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Les mines et la métallurgie à l’ère de l’industrie 4.0

Un laboratoire de l’Université McGill met au point des outils de simulation grâce auxquels les mines et la métallurgie peuvent entrer de plain-pied dans l’ère de l’industrie 4.0.
Établissement(s)
Université McGill
Province(s)
Québec

Si le perfectionnement vient avec la pratique, ne serait-ce pas merveilleux de pouvoir plusieurs fois appréhender visuellement son lieu de travail avant de s’y aventurer? À fortiori si ce lieu se trouve être une cavité, un souterrain ou une mine…

Portait d’une personne souriante, cheveux bruns et courts, portant une veste noire, une chemise blanche et une cravate grise.

C’est pour concrétiser ce rêve et mieux planifier l’extraction minière et les opérations des usines de traitement métallurgique qu’Alessandro Navarra a amorcé un nouveau projet de recherche appliquée. Ce chercheur et professeur au département de génie minier de l’Université McGill dirige le laboratoire de dynamique des systèmes miniers (Mining System Dynamics Group). Il y effectue des travaux de recherche innovants pour les personnes qui conçoivent et opèrent les installations minières et métallurgiques ainsi que pour la population étudiante en génie minier. Ses travaux consistent à mettre la réalité virtuelle au service de l’écosystème minier d’une façon très pédagogique. À travers son application, c’est tout l’enjeu de l’accessibilité des mines et des installations métallurgiques qui peut être résolu tant pour la formation que pour le développement de nouvelles procédures d’exploitation!

Avec une modeste équipe de travail, le chercheur exploite de l’équipement de pointe financé par la FCI. D’une part, le laboratoire est doté de deux simulateurs (Vortex Edge Max), conçus par l’entreprise montréalaise CM Labs, spécialisée dans la formation par simulation. D’autre part, les membres du laboratoire ont conçu un système de réalité virtuelle en utilisant la plateforme de développement bien connue : Unity. Les simulations graphiques qu’il en ressort seront combinées à des réseaux de capteurs pour créer des jumeaux numériques de l'environnement minier. Ces jumeaux sont intégrés dans des systèmes de contrôle qui permettront non seulement de formuler des recommandations d’ordre général en temps réel, mais aussi d'anticiper là où des inspections plus approfondie des mines à l’étude seront nécessaires. 

Ces simulations permettent donc aux travailleurs et travailleuses de se confronter à divers scénarios pour être mieux préparées à toute éventualité. « L’automatisation des procédés de même que l’intelligence artificielle modifient déjà grandement notre rôle d’humains dans l’écosystème minier. Nous souhaitons apporter un accompagnement supplémentaire en exploitant les vertus de la réalité virtuelle », explique le chercheur. Soucieux de développer une gamme de supports basés sur la simulation, Alessandro Navarra et son équipe se concentrent autant sur la phase initiale de construction des mines et des usines de traitement métallurgiques que sur l'amélioration continue de leurs opérations.

La vocation pédagogique de la réalité virtuelle

Une personne tenant une manette et portant des lunettes de réalité virtuelle lors d’une démonstration d’un logiciel de simulation d’un concentrateur minier.

Nasim Razavinia, directrice ajointe des programmes académiques de la Faculté de génie, s’enthousiasme aussi pour cette utilisation de la réalité virtuelle : « les étudiantes et étudiants en ingénierie ont souvent du mal à accéder aux usines de traitement des minerais. Les applications de réalité virtuelle se révèlent donc être un outil efficace et sécuritaire pour apprendre ou intégrer des connaissances théoriques. Nous pouvons simuler des environnements inaccessibles ou des scénarios difficiles. Notre public cible peut alors améliorer ses compétences en matière de diagnostic et de résolution de problèmes ».

Dans le contexte universitaire, l’apport de ces nouvelles technologies est donc crucial puisqu’elles forment de manière interactive une population étudiante en génie minier qui devra concevoir les installations minières et métallurgiques de demain. En outre, elles sont également utiles aux opérateurs et opératrices qui se trouvent sur le terrain.

Une visite guidée au pays des concentrateurs miniers

Le laboratoire se penche actuellement sur une phase opérationnelle assez spécifique de la chaîne minière : la mise en œuvre et l’utilisation de concentrateurs, soit des appareils qui séparent le minerai et envoient les résidus miniers dans des parcs où ils sont traités. Entrent alors en jeu les lunettes de réalité virtuelle.

Ce que l’équipe d’Alessandro Navarra souhaite faire, c’est de procurer une expérience de ces concentrateurs aussi fidèle à la réalité que possible. Pour ce faire, elle a notamment visité le Complexe métallurgique québécois de LaRonde en Abitibi.

Deux images de synthèse, dans les tons gris et jaune, montrant différentes composantes d’un concentrateur minier.

 

Alessandro Navarra collabore avec une développeuse de jeux vidéo, Blaise Hanel, pour programmer et finaliser ce logiciel de réalité virtuelle en s’assurant de la fiabilité des images de synthèse et des informations retransmises. « Les technologies dont nous disposons aujourd'hui au laboratoire nous permettent d'offrir une expérience virtuelle plus crédible qu'elle ne l'a jamais été. Les réactions de celles et ceux qui les ont testées ont été positives. D’ailleurs, nous nous en sommes servi pour les améliorer » confie la développeuse avec fébrilité.

La vocation sociale et environnementale

 « Je compte mettre à contribution mon expertise et celle de mes collègues pour continuer de proposer de meilleures simulations dans toute la chaîne minière, de l’extraction aux opérations métallurgiques. Nous permettons ainsi à la future génération d’anticiper les réalités de la profession. Des opportunités de modernisation existent comme dans toutes les industries primaires (…), il faut les saisir pour rendre l’innovation canadienne stratégique », avance le chercheur.

Par ailleurs, si la « visite guidée » est actuellement offerte en anglais et en français, Alessandro Navarra aimerait qu’elle devienne disponible en langues autochtones. « Cela permettrait que l’expérience puisse être vécue directement par les communautés vivant sur le terrain où est largement implantée l’industrie minière et métallurgique ».

Parallèlement, il compte élargir le champ couvert par ces innovations pédagogiques, à d’autres phases des opérations : au forage et au dynamitage et surtout au terrassement des parcs de résidus miniers, ce volet étant très important du point de vue environnemental.

 Ce projet est motivé par les valeurs canadiennes, notamment la gestion de l'environnement, l'intégration des populations autochtones et l'amélioration du niveau de vie dans les zones rurales. Des opportunités de modernisation existent dans toutes les industries primaires : exploitation minière 4.0, sylviculture 4.0, pêches 4.0, etc. Il faut les saisir pour rendre l’innovation canadienne stratégique. »