De nombreuses données scientifiques révèlent que la planète est confrontée à de profondes mutations, des changements climatiques à la colonisation de l’espace. Toutefois, cette abondance de chiffres peut se traduire par une perte d’intérêt généralisée.
« Comme nous nous sentons submergés par ces données, nous préférons les ignorer, explique Megan Smith, professeure d’études médiatiques à l’Université de la Colombie-Britannique (en anglais seulement). Et c’est pourquoi j’essaie de changer la donne. »
Aujourd’hui, Megan Smith parvient à donner vie à ces données de manière innovante grâce à son laboratoire studio nommé « Un avenir crucial », financé par la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI). Situé sur le campus de l'Okanagan (en anglais seulement) de l’Université de la Colombie-Britannique, ce laboratoire fusionne l’informatique, les beaux-arts et le génie pour créer des installations artistiques qui captent l’attention, permettent de visualiser une information complexe et suscitent des discussions sur des enjeux cruciaux.
« Notre culture est très visuelle, explique Megan Smith. J’essaie de transformer notre manière de communiquer des données de qualité en leur insufflant de la couleur, de l’enthousiasme, de l’émotion et de la force d’évocation. »
Susciter des discussions à propos des débris spatiaux
À titre d’exemple, prenons les dizaines de milliers de satellites qui tournent chaque jour autour de notre planète. La chercheuse se pose de multiples questions à cet égard, de la surveillance gouvernementale aux répercussions des débris spatiaux dans notre environnement. Pourtant, la plupart des gens ne se soucient guère de ces lointains points lumineux.
Pour lancer la discussion, Megan Smith a entrepris une collaboration de quatre ans avec Gao Yujie, qui était à l’époque son étudiante au doctorat, afin de créer une expérience immersive hautement instagrammable. En avril 2022, elles ont inauguré le projet « Ces myriades d’étoiles invisibles à l’œil nu » au studio de visualisation et des médias émergents (en anglais seulement) du campus de l'Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique.
Cet espace accueille un immense mur vidéo incurvé composé de 40 écrans qui immergent les visiteurs et visiteuses dans un panorama à 270 degrés. S’appuyant sur les données du site Web de suivi des satellites N2YO.com (en anglais seulement), ces écrans affichent en temps réel la position et le mouvement d’environ 26 000 satellites actifs.
Néanmoins, il ne s’agissait pas simplement, pour Megan Smith et Yujie Gao, de faire voir des satellites : elles souhaitaient également créer une expérience transformatrice pour le public. Elles ont donc conçu l’exposition de manière à ce que celle-ci soit aussi interactive que possible. « Le public peut s’immerger dans cet espace et percevoir différemment le cadre spatio-temporel », explique Yujie Gao.
Ainsi, les visiteurs et visiteuses peuvent jouer avec les angles de la caméra et ajuster la taille, la forme et la vitesse des images satellites. Il est aussi possible de visualiser les satellites en temps réel ou de sélectionner une plage horaire précise pour pouvoir voir l’évolution des circuits de circulation.
Le public peut également filtrer les satellites par type, notamment pour voir le nombre de satellites militaires en orbite, ou encore la forte hausse du nombre de satellites Internet Starlink, de SpaceX, qui s’élève actuellement à plus de 5 000.
L’installation a suscité de vives réactions, d’après Yujie Gao. En effet, dès le premier jour du lancement sur le campus, une personne a pris une photo pendant sa visite puis l’a partagée sur les réseaux sociaux. Peu après, plus d’une centaine de personnes sont venues voir l’exposition.
« Tout le monde prenait des photos en se demandant ce que cela représentait, se souvient Megan Smith. Si j’ai pu contribuer à faire naître une discussion à ce propos autour de la table ce soir-là, je me dis que j’aurai réussi à diffuser le discours scientifique sur un sujet crucial de manière un peu plus dynamique. »
À la fin du mois d’octobre 2023, « Ces myriades d’étoiles invisibles à l’œil nu» a quitté le campus pour s’installer à la galerie d’art de Kelowna, qui accueillera l’exposition pendant quatre mois avant que celle-ci ne parte en tournée.
Tirer parti de la puissance de la réalité augmentée
Et ce n’est pas qu’à travers cette expérience de vulgarisation scientifique innovante que Megan Smith tire parti de la technologie. À titre d’exemple, la Gendarmerie royale du Canada a retenu ses services pour concevoir des télécommandes de réalité virtuelle qui imitent la forme et la sensation d’un pistolet à impulsion électrique ou d’un vaporisateur de poivre de Cayenne afin de concevoir des systèmes de formation virtuelle simulant la réalité.
De plus, dans le cadre de son plus récent projet, la chercheuse saisit des données climatiques du gouvernement du Canada dans ChatGPT, puis produit des images au moyen de MidJourney, un générateur d’images fondé sur l’intelligence artificielle. Intitulée provisoirement « Un périple dans le froid », cette expérience de réalité virtuelle transportera les utilisateurs et utilisatrices dans le nord du Canada, en l’an 2054, afin de visualiser l’incidence éventuelle des changements climatiques sur les conditions de vie dans cette région.
« Nous utilisons des données réelles pour établir des prévisions qui sont tout à fait bouleversantes », affirme la chercheuse. Son objectif consiste à créer une expérience immersive grâce à laquelle le public se sentira plus personnellement concerné par cette problématique. « Le projet “ Un périple dans le froid ” vise à permettre à un plus grand nombre de personnes de visualiser cet espace et de l’explorer, ce qui va contribuer à créer un lien émotionnel avec cet environnement en profonde mutation », explique-t-elle.
Présenter des scénarios quant à des enjeux cruciaux grâce à une infrastructure de haute technologie
Megan Smith estime que c’est grâce au financement de la FCI, qui a permis notamment l’acquisition d’ordinateurs puissants, de ressources audiovisuelles et d’un espace de représentation de haute technologie, qu’une grande partie de ces projets a pu être réalisée. « Il faut énormément d’équipement de laboratoire pour être en mesure de mener de telles expériences et de présenter ces nouveaux scénarios, explique-t-elle. Pour nous, la FCI est venue changer la donne. »
Selon la chercheuse, c’est aussi grâce à cette infrastructure qu’elle a pu obtenir une bourse Killam pour « avoir accéléré la recherche », en 2022, un prix prestigieux qui lui permettra de faire progresser encore davantage ses travaux de recherche. « Le projet est en train de prendre de l’ampleur, et c’est très stimulant », se réjouit-elle.
La FCI a changé la donne. […] grâce à elle, je peux présenter au public des scénarios quant à des enjeux cruciaux. »
— Megan Smith, Université de la Colombie-Britannique