Les troubles de santé mentale sont une des principales causes d’incapacité au pays. Ils coûtent 51 milliards de dollars annuellement à l’économie en soins de santé et en perte de productivité et de qualité de vie, selon le centre de dépendance et de santé mentale de Toronto.
Avant l’âge de quarante ans, la moitié des Canadiens pourrait être touché par un problème de santé mentale alors que, bon an mal an, environ
20 pour cent de la population souffre d’un problème de santé mentale ou de dépendance.
Malgré cet état de fait, l’accès aux soins est parfois inadéquat pour de multiples raisons. Les soins sont souvent sous-financés, limitant ainsi les ressources. Certaines personnes peuvent ressentir un sentiment de stigmatisation, ce qui les empêche de solliciter du soutien. Les personnes qui vivent dans des régions rurales ou éloignées, ou encore qui souffrent de dépression ou d’anxiété, par exemple, peuvent avoir de la difficulté à rencontrer quelqu'un en personne.
Un projet de recherche de l’Université de Regina a permis de consacrer d’importants efforts pour combler ces lacunes en Saskatchewan, où près de 200 000 personnes vivent un problème de santé mentale.
Un laboratoire d’innovation en santé mentale
Heather Hadjistavropoulos dirige une équipe de chercheurs au Laboratoire du bien-être, de l’innovation, des services et de l’éducation (WISE) financé par la FCI. L’installation conçoit et met à l’essai des approches thérapeutiques cognitivocomportementales offertes via Internet afin de traiter des troubles de santé mentale.
En gros, cette thérapie propose un éventail de leçons en ligne pour éviter les pensées inutiles et gérer certains symptômes physiques liés à un trouble de l’humeur comme la dépression et l’anxiété. Puisque le matériel se présente sous forme écrite et numérique, il est possible d’y avoir accès par Internet. Les patients peuvent donc consulter ces ressources à l’endroit et au moment qui leur conviennent tout en bénéficiant de l’accompagnement hebdomadaire d’un thérapeute, par téléphone ou par courriel.
« Comme le traitement en personne n’est pas possible dans tous les cas, nous tentons d’offrir des soins à distance sans que quiconque n’ait à se déplacer, et ce, au moyen de la technologie, explique Mme Hadjistavropoulos. Nous transposons en ligne ce qu’on tenterait de faire pendant une consultation en personne. »
Or, cela est plus difficile qu’il n’y paraît. Le laboratoire se fonde sur les connaissances de spécialistes de nombreuses disciplines, y compris celles d’informaticiens pour concevoir le site Web et mesurer l’engagement des utilisateurs envers le contenu et d’économistes de la santé pour évaluer les conséquences à long terme de la thérapie cognitivocomportementale en ligne sur les soins de santé et les coûts liés à l’incapacité et d’experts en politique publique pour offrir des conseils sur l’intégration du site Web au système de soins en santé mentale de la Saskatchewan. Les psychologues qui travaillent au laboratoire ont conçu des programmes sur l’anxiété et la dépression, dont du contenu spécialisé pour les personnes qui souffrent de douleurs chroniques, qui sont aux prises avec une maladie cardiaque ou qui ont subi une blessure à la moelle épinière. Et il serait également possible de créer des leçons pour traiter les dépendances légères ou modérées.
L’Internet comme moyen d’atteindre un plus grand nombre de personnes
L’offre de ressources en ligne permet de servir un nombre de personnes beaucoup plus grand. « Auparavant, ce service n’aurait pu être offert qu’aux résidents de Regina. Mais, aujourd’hui, on atteint des personnes situées partout en Saskatchewan, affirme Heather Hadjistavropoulos. Depuis le début de ce projet, nous avons travaillé avec plus de 5000 citoyens. Nous avons pu évaluer et traiter beaucoup plus de personnes qu’auparavant en rencontrant chaque client individuellement. »
La prestation de soins en ligne a aussi des avantages par rapport à une consultation en personne : l’accès est 24/7 et les conseils sont clairs et uniformes. En effet, pendant une consultation, la conversation peut avoir tendance à dévier, et il est ainsi plus difficile de s’en tenir au protocole établi.
Elle collabore étroitement avec le gouvernement de la Saskatchewan pour promouvoir le site Web auprès des fournisseurs de soins en santé mentale. Conseiller en santé mentale au ministère de la Santé, Lorne Sier affirme que de 70 à 80 pour cent des participants font la totalité des leçons associées à une thérapie en ligne, alors que le taux d’abandon est beaucoup plus élevé pour les consultations en personne. Et bien que le premier cas soit un moyen peu coûteux pour la province d’élargir sa prestation de services en santé mentale, cet aspect n’en constitue pas le principal moteur. « Les coûts augmentent sans cesse. L’efficacité devient donc un facteur à prendre en considération, mais ce n’est pas la raison de la mise en place du service. Ce sont plutôt les retombées qui expliquent cette décision. »
Exploiter la capacité d’Internet pour élargir la portée des soins en santé mentale coule de source, selon Mme Hadjistavropoulos. Les transactions bancaires ne sont pas toujours faites en ligne. Pourtant, cela a changé, et la thérapie est appelée à faire de même, affirme-t-elle. Tout le monde utilise la technologie pour rendre le monde meilleur. Pourquoi pas nous? »