[FARZAN] Mon programme de recherche vise à mettre à profit le pouvoir de la technologie pour favoriser la santé mentale, en particulier chez les jeunes.
Le problème de la dépression chez les jeunes, par exemple, vient du fait que les traitements de première ligne habituels (les traitements pharmacologiques ou les thérapies cognitivo-comportementales) ne donnent pas d’aussi bons résultats chez les jeunes que chez les adultes.
Ainsi, une très forte proportion des jeunes patients (près de la moitié, peut-être même davantage) ne répondent pas aux traitements ou subissent de tels effets secondaires que même la Food and Drug Administration des États-Unis imprime la mise en garde la plus stricte sur toutes les étiquettes de médicaments : « Les personnes de 24 ans ou moins qui prennent ce médicament risquent d’avoir des idées suicidaires. » C’est épouvantable, parce qu’il s’agit précisément d’un symptôme de la dépression.
Nous manquons donc de traitements pour les jeunes, en particulier ceux qui souffrent de dépression ou de toxicomanie.
Notre programme tente de trouver des moyens différents et innovants d’utiliser la technologie non invasive pour créer des traitements de la dépression et de la toxicomanie à l’intention des jeunes.
Nous expérimentons donc avec la stimulation magnétique transcrânienne. Cette forme de traitement diffère des médicaments et de la thérapie comportementale en ce qu’elle cible les régions du cerveau que nous identifions par l’imagerie cérébrale et par la cartographie des régions du cerveau touchées par la maladie en question, en l’occurrence la dépression.
Notre intervention est donc très ciblée; elle n’a pas les effets secondaires associés aux médicaments, car elle n’agit pas systématiquement sur l’ensemble de l’organisme. Elle cible surtout la région cérébrale dysfonctionnelle, afin de la comparer à des données provenant de sujets en bonne santé.
C’est le genre de choses que nous faisons dans mon laboratoire : nous comparons le cerveau de jeunes sujets en bonne santé à celui de patients qui souffrent de ces troubles neuropsychiatriques, puis nous développons des traitements à partir de ces comparaisons.
Voilà donc ce qu’est la stimulation magnétique transcrânienne. C’est l’application répétée de pulsions magnétiques à une région très spécifique du cerveau dont notre recherche a montré pour la première fois, je crois, qu’elle avait lieu chez les jeunes, puis nous adaptons les technologies.
FCI : Vous combinez le génie aux disciplines de la santé afin de mieux comprendre comment les fonctions cérébrales et les maladies mentales interagissent. Quels types d’équipement utilisez-vous?
F.F. : Comme les maladies mentales sont des troubles du système nerveux, il nous faut des outils qui nous permettent d’observer le fonctionnement du système nerveux par rapport aux relations de cause et d’effet. On va donc, par exemple, stimuler le cerveau et étudier la réaction. On fait alors l’observation de l’évolution des fonctions cérébrales ou de certaines connexions.
Pour cela, nous développons diverses technologies : des méthodes de calcul, l’apprentissage machine, des capteurs portables pour la collecte de données dans la collectivité, des technologies de neuromodulation. Les technologies de neuromodulation nous permettent de stimuler le cerveau et de quantifier et évaluer objectivement ses fonctions et ses circuits neuronaux.
La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) est une technologie de neuromodulation qui nous permet d’activer certains circuits cérébraux d’une façon non invasive. La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (SMTr) est une forme de SMT que nous pouvons adapter sur mesure afin de créer des traitements destinés aux patients qui ont une intolérance aux antidépresseurs ou qui n’y répondent pas. La SMTr nous sert à cibler sélectivement les connexions impliquées dans la dépression chez les jeunes, par exemple. Le caractère non invasif est vraiment un aspect essentiel de cette technique.