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Sur les traces de la baleine noire de l’Atlantique Nord

Le réseau de contrôle océanique (Ocean Tracking Network) exploite les nouvelles technologies pour surveiller les baleines et élaborer des mesures d’intervention.
Établissement(s)
Dalhousie University
University of New Brunswick
Province(s)
Nouvelle-Écosse
Nouveau-Brunswick
Sujet(s)
Nature

En 2010, perplexes devant la disparition de la baleine noire de l’Atlantique Nord de ses zones d’alimentation du printemps et de l’été près du golfe du Maine, des scientifiques et groupes de protection de la nature se sont inquiétés.

« Après 30 ans de présence dans la baie de Fundy, elles ont presque complètement abandonné cet habitat », explique Kimberley Davies, professeure agrégée au Département des sciences biologiques de l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB).

Ces mammifères se déplaçant lentement, peuvent atteindre 52 pieds, peser 140 000 livres et vivre jusqu’à 70 ans. Ils ont été chassés presque jusqu’à l’extinction. Même après la fin de la chasse industrielle à la baleine au début des années 1970, leur population a continué de baisser. Lorsqu’on n’en comptait plus que quelques centaines de têtes, elles prenaient place sur la liste des espèces en péril.

Il a fallu cinq ans, dit Mme Davies, pour les retrouver. Cette scientifique, qui étudie la recherche de nourriture et les proies de la baleine noire de l’Atlantique Nord, avait le sentiment que les baleines à fanons avaient changé d’habitat à la recherche d’une nouvelle zone d’alimentation.

À cette époque-là, Mme Davies travaillait avec le réseau de contrôle océanique (Ocean Tracking Network, OTN), un réseau mondial d’observation des animaux aquatiques, de gestion des données et de partenariat dont le siège est à l’Université Dalhousie. Financé depuis 2008 par la Fondation canadienne pour l’innovation, l’OTN a été une installation pionnière dans la saisie à distance de données acoustiques à l’aide de véhicules marins autonomes appelés planeurs.

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Faisant partie des 16 installations de recherche nationales du Canada, l’OTN a « mis en place le plus grand programme de planeurs du pays », explique Sara Iverson, directrice scientifique de l’OTN. Ce sont comme des drones sous-marins qui recueillent des données, suivent les conditions océaniques et transportent l’équipement qui permet de détecter et de surveiller le mouvement des animaux marins.

Fred Whoriskey, directeur général de l’OTN, ajoute que les planeurs constituent une approche rentable de la surveillance de grandes zones qui permet une « réduction massive de l’empreinte carbone » par comparaison aux autres méthodes de surveillance.

« On y gagne énormément en sécurité, car ils n’ont pas d’équipage et fonctionnent dans n’importe quelles conditions météorologiques, explique-t-il. Ils peuvent parcourir la haute mer en tout temps et à n’importe quelle profondeur. »

En déployant les planeurs dans les eaux canadiennes, « nous avons découvert les baleines dans le sud du golfe du Saint-Laurent », explique Mme Davies. Une enquête plus approfondie a permis de déterminer que le réchauffement des eaux du golfe du Maine avait entraîné une diminution de la source de subsistance des baleines. Elles se sont dirigées vers le nord, où la nourriture est plus abondante.

Alors que cela expliquait pourquoi les baleines étaient parties et où elles étaient allées, les scientifiques ont été confrontés à un autre problème grave, dit-elle. « Elles ont commencé à être tuées ou blessées en très grand nombre en s’empêtrant dans des engins de pêche et en se faisant percuter par des navires. »

En 2017, la mort de 17 baleines noires de l’Atlantique Nord a secoué la communauté scientifique et le public. Elle a incité les gouvernements et d’autres organismes à accélérer la recherche, la surveillance et la protection de l’espèce, désormais classée comme étant en voie imminente d’extinction.

En 2021, l’OTN a annoncé qu’il avait prolongé de cinq ans son projet de surveillance de la baleine noire de l’Atlantique Nord, en partenariat avec l’UNB et Transports Canada. Un financement additionnel de 3,6 millions de dollars a permis à l’OTN d’acheter un planeur G3 Slocum à la fine pointe de la technologie, lequel est venu s’ajouter à la flotte de planeurs exploités et entretenus par le groupe de technologie et de recherche en matière d'observation de l'environnement côtier (Coastal Environmental Observation Technology and Research, CEOTR) de l’Université Dalhousie.

Mme Iverson explique que le planeur Slocum est muni d’un hydrophone mis au point à l’Institut océanographique de Woods Hole dans le Massachusetts. « Il est équipé d’un émetteur-récepteur mobile qui peut détecter les animaux munis d’une étiquette acoustique. Dans le cas des baleines noires, nous utilisons un système de surveillance acoustique passive. En gros, ces hydrophones spéciaux écoutent le cri des baleines, dit-elle. Nous pouvons relayer aux navires les informations sur la présence de baleines en temps réel ou presque, pour qu’ils modifient leur trajectoire, ralentissent leur vitesse ou pour fermer temporairement des zones de navigation. »

Une personne se penche pour regarder de près un appareil cylindrique sur une surface de travail dans un laboratoire.
L’équipe du CEOTR procède au lestage des planeurs afin de maintenir une flottaison neutre à la surface de l’eau une fois qu’ils sont déployés pour la recherche.
Source : Nicolas Winkler

L’ajout d’un nouveau planeur est d’une importance cruciale, déclare M. Whoriskey. « Plus nous pourrons ajouter de planeurs, mieux nous pourrons couvrir les zones à risque élevé – dans les régions de pêche, dans les voies de navigation – afin d’éviter les morts accidentelles. »

Hansen Johnson, étudiant en doctorat à l’Université Dalhousie étudie l’acoustique et l’écologie de l’habitat des baleines à fanons. Il apprécie le fait que les planeurs recueillent « d’énormes quantités d’informations continues sur la présence et l’habitat des baleines ». Dans le cadre de ses recherches, M. Johnson a mis au point une carte interactive qui permet de suivre la répartition des baleines noires.

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Les planeurs ont « vraiment élargi notre capacité d’observation de manière considérable », dit-il.

Mme Davies quant à elle, espère que, « grâce à une surveillance continue, à la réduction des menaces, à la mise en place de meilleurs ou nouveaux outils et technologies pour atténuer les risques, et grâce à un effort continu sur tous les fronts, la baleine noire de l’Atlantique Nord sera bientôt de retour et en voie de rétablissement ».

Cet article fut publié à l'origine le vendredi 19 novembre 2021, dans le cadre d’un dossier spécial du Globe and Mail pour souligner l’excellence en recherche et en innovation ainsi que le 25e anniversaire de la FCI.