Il y a 50 ans, personne n’aurait imaginé à quel point les ordinateurs allaient façonner le monde d’aujourd’hui. Selon Barry Sanders, directeur de l’Institut des sciences et technologies quantiques de l’Université de Calgary et chercheur principal du Projet du fonds d'innovation majeure de l'Alberta sur les technologies quantiques, l’informatique quantique, bien qu’elle n’en soit encore qu’à ses débuts, promet d’être tout aussi perturbatrice.
« Nous ne pouvons pas encore imaginer quelles seront toutes les retombées de la science quantique, mais nous pensons que le fait de disposer d’ordinateurs obéissant à une forme différente de logique peut faciliter la résolution de problèmes difficiles, surtout de problèmes à plus grande échelle », explique M. Sanders. Il propose trois étapes essentielles afin de libérer le potentiel de la quantique : être « quantiquement conscient, quantiquement prêt et quantiquement actif ».
« Être quantiquement conscient signifie que les entreprises doivent savoir que l’informatique quantique existe, mais aussi qu’elle pourrait les perturber. Être quantiquement prêt signifie que l’on dispose de personnel compétent en informatique quantique pour la déployer et éventuellement l’utiliser à l’avenir, dit-il. Une entreprise quantiquement active serait en mesure de l’utiliser pour résoudre des problèmes pratiques. »
Mais à quoi cela pourrait-il ressembler dans le monde actuel? Selon M. Sanders, le potentiel d’un ordinateur quantique, qui permet de trouver une solution avec moins de données qu’un ordinateur traditionnel, peut améliorer les résultats dans des domaines tels que la détection des anomalies. Si l’on prend l’exemple du système de transport en commun d’une ville, où les tramways sont alimentés par des câbles aériens, la rupture d’un câble peut présenter des risques importants. Les personnes expertes se tournent vers la science quantique pour explorer la possibilité de prédire, voire de prévenir, de tels événements.
Toutefois, pour porter la recherche et le développement quantiques au stade de la mise en œuvre, il faut déployer des efforts dans de multiples domaines, tels que la mécanique quantique fondamentale, la science de l’information, la science des matériaux, l’informatique et le génie informatique, explique William Ghali, vice-recteur à la recherche de l’Université de Calgary, où « la recherche transdisciplinaire est devenue une marque distinctive ».
Les efforts déployés pendant une décennie pour amener les gens « à sortir des silos de leur faculté et à se consacrer à des domaines de recherche à l’échelle du campus ont conduit à l’excellence en matière de recherche interdisciplinaire, notamment dans les domaines du génie biomédical, de la recherche sur le cerveau et la santé mentale, et de la cybersécurité, déclare M. Ghali. Cela a conduit à un succès accru dans les concours de financement, y compris le soutien de la Fondation canadienne pour l’innovation ».
Outre la promotion des liens interdisciplinaires, l’Université de Calgary se consacre également à l’accélération de l’adoption d’innovations du monde actuel par le biais de partenariats industriels ainsi que de l’entrepreneuriat, ajoute-t-il. « Notre stratégie qui a débuté en 2011, vise à voir plus loin (Eyes High). Elle comprenait deux objectifs : être l’une des principales universités de recherche du Canada et viser l’entrepreneuriat. »
Les statistiques prouvent que ces deux objectifs ont été atteints. L’année dernière, par exemple, l’Université a obtenu 504 millions de dollars de financement pour la recherche, ce qui représente une augmentation de 10 pour cent par rapport à l’année précédente, dit M. Ghali. « Et nous sommes les premiers au Canada pour ce qui est des entreprises en démarrage. Cette trajectoire est vraiment importante pour nous, et la science quantique en est un élément central. »
L’Université de Calgary est une de quatre universités (avec l’Université de Waterloo, l’Université de Sherbrooke et l’Université de la Colombie-Britannique) qui préconisent une stratégie quantique à l’échelle nationale. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs annoncé un investissement de 360 millions de dollars pour lancer cette stratégie et M. Ghali s’en félicite.
« Pour faire progresser les technologies quantiques, il faut soutenir le développement du secteur, la R-D, ainsi qu’une stratégie ciblée en matière de talent, et les universités peuvent jouer un rôle clé à ce sujet », dit-il. Il ajoute que les efforts déployés pour renforcer l’écosystème régional de la technologie et de l’innovation ont déjà contribué à attirer un certain nombre d’entreprises à Calgary, des sociétés comme la RBC et Infosys, une société qui détient des centres d’innovation dans la ville.
Mphasis, un fournisseur de solutions informatiques spécialisé dans les services en nuage et cognitifs, est une autre grande entreprise qui a établi un centre d’innovation à Calgary. En partenariat avec Mphasis et le gouvernement de l’Alberta, l’Université de Calgary a récemment annoncé le lancement de l’initiative Quantum City, qui permettra d’élaborer des solutions destinées à l’application commerciale de l’informatique quantique en intelligence artificielle et en apprentissage automatique.
Au-delà des partenariats avec les grandes entreprises, M. Sanders insiste sur la nécessité de « permettre aux petites entreprises de participer à la recherche de solutions quantiques ».
« Plutôt que de faire de la quantique une technologie d’élite à laquelle le commun des mortels n’a pas accès, nous voulons que le succès soit au rendez-vous dans l’ensemble de la société et pour toute une panoplie d’entreprises, y compris le petit magasin familial au coin de la rue, explique-t-il. C’est stimulant de voir de plus en plus de jeunes entreprises se tourner vers la technologie quantique pour résoudre des problèmes du monde actuel. »
M. Ghali s’enthousiasme lui aussi pour le potentiel de la quantique à transformer de nombreux secteurs et différents aspects de la vie. « Il ne fait aucun doute que l’impact ira au-delà de l’informatique pour englober des innovations réparties dans la science de l’information, les matériaux et les technologies quantiques, dit-il. Le Canada doit s’orienter vers une économie du savoir, et nous contribuons à cette évolution en facilitant la croissance de l’économie quantique ainsi que de l’économie numérique en général. »
Cet article fut publié à l'origine le vendredi 19 novembre 2021, dans le cadre d’un dossier spécial du Globe and Mail pour souligner l’excellence en recherche et en innovation ainsi que le 25e anniversaire de la FCI.