ANIMATRICE
Vous écoutez un balado de la Fondation canadienne pour l’innovation.
(Musique d’ouverture)
Bonjour et bienvenue à « 10,000 expérimentations ». Ce baladodiffusion traite de travaux scientifiques de pointe et des joies de la découverte.
Nous nous sommes inspirés de Thomas Edison, qui aurait dit que toutes ses tentatives n’avaient pas été des échecs mais, 10 000 façons de faire, qui n’avaient pas bien fonctionné.
(Fin de la musique d’ouverture)
(Effets sonores)
Le 14 mai 1986, le médecin et explorateur français, Jean-Louis Étienne, est le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire, en tirant son traîneau pendant 63 jours.
À cette époque les systèmes de localisation et téléphones satellites n'existent pas.
Jean-Louis Étienne se dirige donc grâce au soleil.
Les médias se regorgent de cet exploit et à travers le petit écran sur lequel j’ai les yeux rivés, je prends conscience que je viens de rencontrer mon héros!
(Fin des effets sonores)
À cette époque, je suis à peine plus haute que trois pommes.
Alexandre Langlois n’est pas beaucoup plus âgé, quand il découvre lui aussi, sa passion pour les milieux polaires et sa vocation qui l’entraînera aux confins du monde et de la science!
(Début d’un morceau de musique)
ALEXANDRE LANGLOIS
À l'âge de neuf ans. Donc je regardais une émission (j'aimais beaucoup la science déjà à cet âge-là), je regardais l'émission « National Geographic ». J'étais avec mes parents, ils s'en souviennent encore. On a le droit à l'histoire à [rires] chaque année et j’avais… donc y avait une émission qui était sur des chercheurs scientifiques qui faisaient de la recherche en Antarctique!
Et donc euh… donc voilà. Donc moi, ça l'a été : voilà! C'est ce que je veux faire, c’est ce que j'avais mentionné aux parents. Ils ont dit : « il va falloir que tu ailles à l'école longtemps! » J’ai dit : « Bon, okay! » [rires] Naïvement du haut de mes neuf ans. Mais euh…. Donc, donc très rapidement, j'ai été poussé vers des euh… vraiment des intérêts de plein air hivernaux euh… dans les sports que je pratiquais aussi. Et puis, donc quand je suis rentré à l'université en géographie physique, donc très rapidement, j'ai pris goût à tout ce qui était sciences hivernales, la cryosphère, neige, glace de mer, pergélisol, donc tout ça me passionnait. Les environnements nordiques me passionnaient depuis le début, donc j’étais toujours sur [rires] l’Internet à aller voir des images du Nord, des images de glaciers. Je rêvais d'y aller. Et en 2002, j'ai eu la chance en maîtrise d'aller dans une école internationale de neige, donc que maintenant, j'organise et j'enseigne… en Finlande. Et là, quand je voyais les enseignants et les chercheurs qui participaient à cette école-là, j’ai dit « Voilà, voilà! Exact. J'ai trouvé, c'est ce que j’veux faire! »
(Fin du morceau de musique)
Je suis Alexandre Langlois, donc professeur titulaire au département de géomatique appliquée, à l’Université de Sherbrooke, et donc je travaille ici, je suis en poste depuis 2012 et j'ai créé le Groupe de recherche interdisciplinaire sur les milieux polaires, donc le GRIMP, en 2014.
ANIMATRICE
Alexandre Langlois pourrait bien entrer dans mon panthéon personnel de héros modernes.
Il fait de la télédétection et dirige le projet d’Observatoire Multidisciplinaire pour le suivi du Changement Climatique et des évènements extrêmes en Arctique (d’où l’acronyme en anglais « MOACC »).
L’observatoire est situé sur le campus de la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique
à Ikaluktuutiak (Cambridge Bay), au Nunavut ; une station gérée par Savoir Polaire Canada.
Depuis toujours, l’Extrême-Arctique me fait rêver et pourtant…
(Début d’un morceau de musique)
ALEXANDRE LANGLOIS
L'Arctique en ce moment, est l'endroit sur la planète qui se réchauffe le plus rapidement.
On parle de deux à trois et même près de quatre fois plus rapide que partout ailleurs sur la planète. Donc c'est un peu le laboratoire de ce qui s'en vient.
Y’a un besoin de pouvoir… en fait on a le devoir de comprendre les soucis, pour améliorer la modélisation climatique ; et lorsqu'on améliore la modélisation climatique, bah on est capable de développer des meilleures mesures d'adaptation. Donc il faut prévoir le coup d'avance. Faut pas arriver face au mur.
Donc le projet MOACC répond à un besoin qui était vital. Y’a toutes sortes de mécaniques de financement, mais c'est souvent pour des projets bien précis. On a un projet, en deux ans, trois ans, on fait le travail, les étudiants de maîtrise-doctorat graduent, et puis après on… voilà, on met la brique, on publie le papier, puis… on passe au suivant. Ce qui fait en sorte que l'état de la science actuelle, elle est très euh… ponctuelle, donc, dans l'espace et dans le temps. Et lorsqu'on veut développer des algorithmes de suivi, qui soit de la modélisation, que ce soit des algorithmes de télédétection, avec l'évolution des technologies satellite, bah on se doit d'avoir de l'information temporelle, saisonnière qui nous permet de développer des algorithmes.
Et ça euh… Ça n’existait tout simplement pas.
(Fin du morceau de musique)
ANIMATRICE
MOACC, permet donc d’obtenir des suivis géographiques et historiques plus constants.
Bien que l’observatoire soit unique en son genre, il ne doit pas être évident d’y travailler...
ALEXANDRE LANGLOIS
il y a les contraintes financières d'accès qui sont évidentes et aussi les contraintes logistiques et les enjeux de sécurité. Donc euh… donc c’est pas pour tout le monde, allez travailler à -50.
(Effets sonores)
En fait, ce qui peut mettre un frein en tout temps, c'est vraiment la météo. Donc si la météo collabore pas, c'est des tempêtes, des blizzards… Pour des raisons de sécurité on peut pas sortir; pour des raisons de sécurité, on ne peut pas donner des cours. Donc ce qui peut aussi causer problème, c'est l'envoi. Donc on envoie cargo des instruments, on envoie cargo de l'équipement pour la… Donc il faut que tout arrive, hein!
ANIMATRICE
Malgré toutes ces contraintes, Alexandre Langlois fait référence à l’Arctique comme son
« terrain d’jeu ».
N’exagérons rien, ce ne sont pas des « jouets » dont il a besoin, mais bien des instruments à la fine pointe de la technologie, afin d’obtenir des indications clés quant à c’qui détermine les changements climatiques.
ALEXANDRE LANGLOIS
On a une partie des infrastructures qui sont installées sur le campus, donc entres autres, LIDAR atmosphérique et puis photomètre solaire stellaire ; donc qui vont permettre de faire le suivi, si on veut… des patrons de gaz à effet de serre et puis des aérosols. Dans l’Arctique, y’a rien qui englobe la multidisciplinarité de MOACC.
ANIMATRICE
Oui, l'avantage du site MOACC est très clair : c’est un projet complémentaire, collaboratif et multidisciplinaire.
Complémentaire parce qu’Alexandre Langlois a lié deux projets ensemble : le projet MOACC qui correspond donc à tout ce qui est infrastructure, et un projet plus opérationnel pour lequel il a obtenu une subvention du programme Alliance du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (le CRSNG) qui porte sur le caribou.
Collaboratif, parce qu’il améliore la portée de ses travaux de recherche, entre autres, grâce aux liens établis avec le super site d'Environnement et Changement climatique Canada, à Iqaluit.
Multidisciplinaire et fédérateur
(Début d’un morceau de musique)
enfin, parce qu’il sait s’entourer.
ALEXANDRE LANGLOIS
Le projet est avec euh, bah nous à Sherbrooke, l’Université de Toronto, l’Université Western en Ontario, l’Université de Montréal donc qui ont leurs expertises : Toronto entre autres au niveau de l'atmosphère; Montréal et Western, Montréal avec le pergélisol et nous tout ce qui est vraiment télédétection et l'aspect neige, pergélisol [inspire] aussi. Donc, on a chacun nos réseaux. Mais il y a déjà des intérêts de collaborateurs, par exemple : MétéoSuisse, le bureaux de radiation au Canada, Santé Canada. Donc euh… On a largement sous-estimé quand j'ai écrit le projet, donc.
Ensuite quand on travaille dans l'Arctique, bah après, c'est les ententes, les universités ont pas toutes les mêmes règles. Après, c'est les permis de recherche, études d’impact environnemental.
Donc, en tout et partout, t’sais sur MOACC, y’a quatre universités, sur l’Alliance y’en a quatre autres, on est huit, donc y’a huit universités, onze institutions, une cinquantaine de personnes. Et là, faut gérer le trafic, de déploiement d’instruments, le shipping. Un coup faut envoyer un contenant à l’Université de Toronto, la barge, à quelle date elle part la barge? On peux-tu? On peux-tu mettre deux contenants? On veut le mettre où? Avoir la permission de la communauté pour ce qu’on veut installer dans le bassin versant, à Cambridge Bay par exemple. Donc euh, donc juste les ententes légales pour MOACC ont pris un an et demi. C'est quelque chose auquel nous, chercheurs, on n'est pas tant impliqué, on se fait poser des questions, mais c’est les ententes, donc c'est les bureaux de recherche universitaires, les avocats [inspire] et les communautés. Et euh… nous, on veut juste démarrer, engager des étudiants et puis faire de la science.
ANIMATRICE
Arrêtons-nous un instant sur les mots qui viennent d’être prononcés :
(Fin du morceau de musique)
« communauté » et « science »…
Lorsqu’Alexandre Langlois emploie le mot communauté, il semble alterner aussi bien entre la communauté scientifique et la communauté inuit.
(Début d’un morceau de musique)
ALEXANDRE LANGLOIS
J'ai eu la chance de travailler beaucoup avec des collaborateurs inuit, donc euh, à différents moments dans ma carrière et ça, bah… faut le vivre! Faut, faut… Y’a des situations que… On a un guide inuit qui nous a sorti du pétrin à plusieurs reprises, hein… Et puis ça faut le vivre pour dire : « ok finalement, y’a des connaissances à quelque part ici là »…
Donc c’est pas forcément sur la polarimétrie ou la constante diélectrique, mais c'est pas non plus des connaissances inutiles. Donc c'est des connaissances qui sont vraiment basées sur comment les choses sont reliées entre elles en fait. Et au niveau du couvert nival, du climat, de la glace, y a énormément d'informations qui se transmettent de génération en génération.
Donc, ça, faut vraiment s’asseoir, parler, écouter… et vraiment voir la compréhension qui est vraiment profonde de l'environnement.
C'est eux qui nous forment. Quand on dit on forme les Inuit, on forme pas les Inuit sur la science, on forme les Inuit sur l’utilisation d’instruments, pour qu’ensuite ils puissent prendre des mesures pour nous dans leur communauté. Donc ça, c'est l'aspect formation. Mais on ne les forme pas du tout sur la science de l’environnement et la neige. Ils en savent tout autant que nous. Comme on dit en anglais : « Two ways of knowing ». Donc c'est exactement ça. Donc c'est vraiment le partage. Donc eux vont regarder au niveau de l’habitat du caribou, dans le projet caribou que je prends comme exemple ici. Quelles sont les conditions environnementales qui vont gouverner les patrons migratoires par exemple. Donc si on n'a pas accès à ce savoir-là, nous on est à l’aveugle complètement. Donc eux vont nous informer sur le comportement, les patrons migratoires et puis les changements qu'il y a eu dans l'environnement qui sont, qui vont affecter par exemple, les conditions de forage, d'accès à la nourriture. Et après ça, nous on va développer des outils pour tenter de mesurer ces changements-là. Donc c'est vraiment en collaboration.
Y’a des ententes formelles, des MOU qu’y appellent, des memorandum of understanding sur le partage de données, ensuite sur l'utilisation de savoirs… de données de savoirs traditionnels. C'est relativement complexe. Donc tout ça est dans des ententes légales et puis sur la propriété intellectuelle, savoirs traditionnels, etc. etc. Donc on peut pas juste [rires] utiliser les données! Donc y a des ententes qui sont négociées évidemment avec les communautés.
ANIMATRICE
Ne nous voilons pas la face,
(Fin du morceau de musique)
toutes les expériences passées n’ont pas toujours été fructueuses!
On a probablement voulu contingenter une population, qui n’est pas homogène, sans reconnaître adéquatement leurs besoins spécifiques et réalités particulières.
Certains comportements ont pu faire naître de la méfiance à l’égard des gens du « sud »…
Est-ce que l’on fait des progrès à ce niveau-là?
Est-ce qu’il y a eu des changements dans les 10 ou 15 dernières années?
ALEXANDRE LANGLOIS
Je dirais que c'est, c'est, c'est unique à chaque communauté. Il y a des communautés où c'est très facile donc de collaborer, d'échanger… Des communautés où c'est très compliqué. Donc on force pas.
Donc d’avoir la confiance, ça se bâtit pas avec une visite. Donc il y a des communautés que je suis allé trois, quatre, cinq, six fois avant même de pouvoir, t’sais, mesurer quelque chose. On peut pas arriver dans une communauté, mettre une station et puis partir.
Et on n’est pas chez nous dans le Nord.
ANIMATRICE
Alexandre Langlois est donc patient et attentif.
Même s’il répond ici à une foule de questions, il serait en fait plutôt du genre « taiseux »...
S’il devait ne donner qu’un seul conseil me confie-t-il, c’est…
(Début d’un morceau de musique)
ALEXANDRE LANGLOIS
Ah! Écouter, écouter. T’sais, euh… Faut réaliser que tout le monde est bon, toutes les chercheurs, tout le monde a un post-doc, tout le monde est bon, tout le monde est expert dans son domaine, ce que tu fais est pas plus important que l’autre.
Ce que tu fais est pas plus important que ce que l'autre fait. Et ça, ça te force à écouter. Et quand tu te forces à écouter, bah de l'interdisciplinarité et puis le multidisciplinaire, ça vient avec ça.
Moi je suis spécialisé dans la télédétection de microondes passives du couvert nival arctique. Voilà.
Oui, je connais plein de trucs, mais c'est ça. Donc euh, à un moment donné, si je commence à jouer dans d’autres plates-bandes, disant je suis bon là-dedans, ça… ça manque un peu d'humilité-là. Donc, par contre il y a un chercheur, qui lui est spécialisé là-dedans, mais travaille avec.
(Fin du morceau de musique)
ANIMATRICE
Et les bottines suivent les babines… Alexandre transmet tout cela à ses étudiantes
(Début d’un morceau de musique)
et ses étudiants.
ALEXANDRE LANGLOIS
T’sais, au-delà de leur laisser les connaissances, c'est vraiment de leur laisser… les habiletés de collaboration, mais de… tout azimuts. Donc, j'expose beaucoup mes étudiants à des conférences, à des réseautages. J'invite mes étudiants à des rencontres administratives, budgétaires avec des collègues, des partenaires et tout. Euh… Ouhai en faire de meilleurs chercheurs, mais des chercheurs qui sont à l'écoute.
Si on laisse un héritage à l'étudiant qui est à l'écoute, qui est ouvert aux collaborations, qui juge pas, qui est humble. Euh… C'est ça qui donne espoir un peu pour la suite des choses, t’sais.
Je le dis aux étudiants: ne jamais sous-estimer le réseautage. C’est ultra important et le réseautage le plus efficace se fait dans les conférences ou au souper dans un restaurant un soir, ça se fait pas dans les présentations. C’est là que se tissent les projets. Et là, là c'est le « bonbon » là…
Pis là soudainement tu découvres : waow! Je savais pas que quelqu'un faisait ça, ça m'intéresse! On peut-tu faire un truc? Donc ça, ça rouvre à… la porte à plein de possibilités en fait. T’sais! J’avais, avant, euh… jamais eu de collaboration formelle, par exemple avec l’Université de Toronto. Maintenant, on a plein d’idées [rires] pour la suite des choses! Même chose avec l'Université Montréal avec un collègue, Daniel Fortier, Patrick Hayes de l’Université de Montréal, qui travaille sur les drones, qui travaille sur le pergélisol. Donc là on fait tisser des liens dans d'autres projets. On est en conférence en Europe cet été, et puis on va monter un gros projet avec des partenaires de Toulouse, et puis on va essayer de bouger les grilles des activités vers le Nunavik, le Nord du Québec. Donc tout ça est sorti de nouveaux contacts, nouvelles idées, nouvelles collaborations. Ça, c’est vraiment chouette parce qu’après « Ah! Toi tu fais ça, ça m'intéresse, tu peux-tu m’envoyer ces données? Je vais les envoyer à mon étudiant pour que lui il puisse… amener ça à un autre niveau. »
Puis t’sais, y‘a pas de compétition en recherche. Une compétition, c’est avec toi-même. Donc oui, le financement est compétitif, etc. Mais je veux dire, après... Quand t'es sur des missions, tout le monde… t’sais, t’aide les autres projets, tu veux que les projets à tout le monde fonctionnent… C'est… Le but, c'est de faire avancer les connaissances et puis euh… y en a pas un qui va réussir plus qu'un autre.
ANIMATRICE
(Fin du morceau de musique)
Faire avancer les connaissances, écouter…
Et qui Alexandre a-t-il le plus écouté
(Début d’un morceau de musique)
dans sa carrière?
ALEXANDRE LANGLOIS
J'ai eu trois mentors qui ont vraiment modelé le chercheur que je suis. Hardy Granberg, un de mes professeurs au bac qui était un chercheur avec la neige. Et c'est d'ailleurs lui qui m'a amené à la « Snow School » en Finlande.
Et ça été ensuite, mon collègue et ami Alain Royer, qui était ensuite mon directeur de maîtrise, puis, après ça en retour en post-doc et qui m'a vraiment modelé comme scientifique : c'est la recherche, le type de science, la recherche fondamentale, la rigueur.
Et puis, euh… [contient son émotion] Dave Barber, de l’Université du Manitoba, qui malheureusement est décédé cette année, qui m'a touché profondément, comme euh… Je suis [émotions étouffées par un rire nerveux] assez émotif un peu, mais euh… comme euh… la balance famille. Ouhai, Ouhai, Dave était, euh… c’était quelqu’un!
ANIMATRICE
(Fin du morceau de musique)
En digne successeur de ses mentors, Alexandre Langlois connait si bien le terrain, qu’il est très lucide sur la situation climatique dans l’Arctique.
ALEXANDRE LANGLOIS
Moi je pense personnellement qu'il y a des rencontres, comme euh, les… COP, les COP-10-20-30… sont pas forcément utiles, parce que c'est toujours pour tenter d'atteindre les cibles qu'on atteint jamais, donc c’est impossible. Et les cibles devraient être LARGEMENT supérieures à ce qui est tenté d’être négocié. Donc à mon avis, on est commis pour un 2 point 5. Donc maintenant, ce qu'il faut faire… Est-ce qu’il est trop tard? Trop tard pour quoi? Il est jamais trop tard pour réduire, améliorer notre qualité de vie, améliorer la qualité de l'environnement, euh… Mais il est surtout pas trop tard pour développer des moyens de mitigation des effets négatifs quant au réchauffement de 2 point 5 à l’horizon de 2050.
Donc moi, ce que je dis toujours, c'est arrêtons de débattre sur… c'est la faute à l'homme ou c'est la faute de Dame nature, des cycles naturels? On s'en fout complètement. Le réchauffement est là. Il se passe. Maintenant, faut trouver des solutions pour s'adapter aux conséquences négatives.
ANIMATRICE
Mais alors, devant l’urgence, qu’est-ce qui entrave encore notre capacité à mettre la main sur des solutions?
(Début d’un morceau de musique)
ALEXANDRE LANGLOIS
La fausse information. La fausse information, c'est épouvantable. C'est épouvantable, c'est frustrant, euh… c'est désolant, c'est enrageant. J’ai, j’ai d’jà euh… brûlé d’mes soirées, gâché mes soirées des fois à lire des trucs… C'est insultant, des fois… C'est tellement aberrant ce qu'on lit quand qu’on connait le domaine, euh… c'est, c'est vraiment ça qui est frustrant, et… Et le fait que cette fausse information-là est facilement accessible, et crue, et ça, ça me déçoit, je peux pas croire que des… que on fait pas plus de recherche sur les sources, sur des choses comme ça. Ça, ça devrait être enseigné à l'école, hein.
Gérer le flot de fausses informations, la rapidité à laquelle ça se fait, on peut pas compétitionner contre ça. C'est très, très difficile et enrageant, ouhai!
J'ai [rire nerveux] une relation amour-haine avec les réseaux sociaux. Souvent, j’me fais taguer par des gens « Hey! On a vu ça, qu’est-ce t’en penses? » Et puis là t’essaie de commenter, tu fais un commentaire scientifique qui… qui est normal. J'explique le truc. Et après ça, tu te fais démonter par des troles. Là, c’est comme… [gros soupir] Et puis après ça on fait rire de toi et tout… J’suis comme euh… Mon Dieu ouhai! Et puis cette fausse information-là, elle a une plateforme plus importante que la vraie information souvent, parce qu'elle est plus sensationnaliste, etc. etc.
Maintenant ce qui arrive c'est que la science est devenue une religion. C'est quelque chose auquel tu crois ou tu crois pas. Alors que la science, c'est des faits. C'est comme de dire : « Est-ce que tu crois à la gravité? »
J’dis : « bah écoute, saute en bas de l'édifice, tu vas le voir vite là! »
C’est ça qui est décevant ; c'est que c'en est devenu où est ce que les gens choisissent de croire à ça, mais ne croient pas à ça.
On a 99 % des scientifiques qui vont dire que les changements climatiques est un problème, faut s’y arrêter, mais ça, ça passe pas.
On l’a vu avec la COVID aussi hein!
Donc euh… Donc le doute que les gens ont, pis ça l’a mis vraiment les gens sur leurs talons face à la science.
Malheureusement, tout ça, dans toutes les domaines en fait… La méfiance envers la science, ça c'est très, très, très frustrant. Alors ça devrait être quelque chose de motivant, c’est… on est à la recherche fondamentale! On a encore des choses à découvrir!
ANIMATRICE
Malgré tout, Alexandre Langlois ne se décourage pas complètement,
(Fin du morceau de musique)
il se pousse, il se motive…
ALEXANDRE LANGLOIS
Motivation dans mon travail? Oui, t’sais, on pourrait dire : « Ah! C’est de faire d’la contribution scientifique pour sauver la planète ». C'est sûr que bon, ça c'est la réponse politique. Ce qui me motive à continuer, c'est que j'ai une liberté académique, une liberté de recherche et puis d'avoir accès à des… comme j’dis, à superviser des étudiants qui deviennent une famille, de voir la famille se développer, évoluer dans le temps. Donc, c'est… d'aimer autant son travail, en fait, c'est ça qui me motive.
Pour moi, le besoin de formation, d'augmenter le niveau de connaissances, chez les étudiants gradués, d’augmenter le volume de chercheurs, chercheuses qui se spécialisent dans ce domaine-là, le Nord de l’Arctique qui est vraiment touché actuellement de manière exponentielle par les changements climatiques, donc c'est plus, c’est vraiment, vraiment ça qui, qui me motive… De pouvoir former ces étudiants-là, qui après ça à leur tour vont monter leur labo, vont avoir leur groupe d’étudiants… Et, t’sais moi, ça a changé ma vie faire ça : maîtrise-doc. Et quand qu’on voit le déclic qui se fait chez un étudiant, ça, c'est… ouhai!
ANIMATRICE
Avec du recul, et du point de vue professionnel, y a-t-il quelque chose qu’il aurait fait différemment?
(Début d’un morceau de musique)
ALEXANDRE LANGLOIS
Au final, aucun regret, je referais exactement de la même façon. Je suis là où j'ai envie d'être. Je veux, t’sais, je changerais pas… rien. T’sais, en ce moment je changerais rien : rien à ma vie, rien à ma carrière, rien à mon équipe, euh… rien! J’me suis fait poser la question : « Qu’est-ce que tu changerais? » ou « Qu’est-ce que tu voudrais de plus? » Rien [rires]. Rien, tout est beau. J’suis chanceux de d’ça. Vraiment, c'est une chance d'être bien comme ça. Ça m'apporte beaucoup en fait. Mais c'est du pur bonheur, donc c'est juste, le pur bonheur qui dit continue! [rires]
ANIMATRICE
Ce balado est une production de la Fondation canadienne pour l’innovation.
La FCI est un organisme à but non lucratif qui verse des fonds aux universités, collèges, hôpitaux de recherche et établissements de recherche à but non lucratif du Canada, pour qu’ils investissent dans l’infrastructure de recherche.
Depuis sa création en 1997, la FCI a versé 10 milliards de dollars et a ainsi contribué à plus de 12 500 projets de recherche dans toutes les disciplines.
Si vous voulez en savoir plus, consultez notre site Web : innovation point C. A.
Je m’appelle Émilie Delattre et si cet épisode vous a plu, je vous donne rendez-vous pour les prochains sur les plateformes Blubrry, Spotify, Apple podcasts, Android, Google Podcasts et le flux RSS de la FCI.
Merci d’avoir été à l’écoute.
À tout bientôt!
(Fin du morceau de musique)