Au printemps dernier, un feu incontrôlé à Fort McMurray, en Alberta, a ravagé environ 2 400 foyers et forcé l’évacuation de près de 90 000 personnes, ce qui en fait la catastrophe naturelle la plus couteuse de l’histoire du Canada. Les changements climatiques se traduisent par des températures planétaires plus élevées et viennent altérer les régimes de précipitations, un scénario qui se produira de plus en plus souvent selon un grand nombre de scientifiques. Le professeur Steven Cumming est de cet avis, mais il a trouvé deux moyens grâce auxquels les forêts elles-mêmes pourraient limiter les dégâts.
M. Cumming et son équipe de l’Université Laval conçoivent des modèles informatiques perfectionnés pour prévoir les caractéristiques des feux de forêt, y compris la fréquence, la taille et l’intensité. Il faut tenir compte de plusieurs facteurs, des accumulations de neige pendant l’hiver, à la température moyenne la plus élevée le jour, au type de végétation qui croit dans une zone forestière donnée. « Dans les forêts de conifères, on compte généralement un plus grand nombre de feux par unités de surface et de temps que dans les forêts caducifoliées, explique M. Cumming. Ces espaces réagissent aussi différemment aux types de conditions climatiques qui déclenchent des incendies. À titre d’exemple, le nombre de feux provoqués par la foudre dépend beaucoup plus de l’accroissement de la sècheresse dans une forêt de conifères que dans une forêt caducifoliée. »
De concert avec Jean Marchal, étudiant diplômé, et son collègue du Service canadien des forêts, Elliot McIntire, M. Cumming a récemment mis au point un modèle visant les forêts du sud du Québec qu’il qualifie de véritable « tour de force ». Il est désormais essentiel de tenir compte des changements qui touchent la végétation forestière en raison du réchauffement climatique, un élément qui n’était pas intégré aux modèles précédents.
M. Cumming endosse le consensus selon lequel les changements climatiques se traduiront par des températures plus élevées ce qui, en retour, augmentera la fréquence et l’ampleur des feux à court terme. Cependant, contre toutes attentes, ce phénomène pourrait diminuer le nombre et la taille des feux à long terme, puisque les zones récemment ravagées par le feu contiennent moins de gaz et de pétrole. « Les risques de voir s’embraser un important incendie dans une vaste zone détruite par le feu au cours des dernières années sont donc moins grands », explique le chercheur.
La modification de la végétation constitue un autre facteur qui atténue les risques de feux de forêt. En effet, si le climat est plus chaud, les conifères incendiés seront possiblement remplacés par des feuillus qui sont moins prompts à s’enflammer. Selon le chercheur, « l’incidence de ces hypothèses est excellente. Ainsi, l’activité des feux de forêt va considérablement augmenter au cours du siècle à venir, mais probablement beaucoup moins que prévu. »
Malgré tout, les prévisions à court terme ne sont pas rassurantes. « Les facteurs qui permettront de diminuer l’activité des feux de forêt ne seront pas suffisamment appréciables avant qu’un grand nombre de zones aient été depuis peu la proie des flammes, affirme M. Cumming. Et cela prendra plusieurs décennies. »
À l’heure actuelle, M. Cumming tente d’améliorer la composante du modèle qui, à son avis, constitue sa plus grande lacune : la capacité à déterminer l’incidence des techniques d’extinction des feux comme le fait de bombarder de l’eau des airs ou d’aménager des pare-feux. « On ignore si l’efficacité augmenterait en investissant plus d’argent, avance le chercheur. À Fort McMurray, on a fait des pieds et des mains pour éteindre le feu, et on a probablement réussi à le contenir dans une certaine mesure, mais l’incendie était tout de même énorme. Il y a encore beaucoup à faire avant de gérer correctement les incendies et de s’assurer que les gens qui habitent à proximité des forêts sont protégés le mieux possible. »