En apercevant une station de recherche complètement ensevelie sous la neige à plus de 1500 mètres d’altitude dans la chaîne Cariboo, la plupart des Canadiens auraient du mal à croire que les niveaux de neige à cette hauteur sont menacés par le réchauffement planétaire. Toutefois, selon Stephen Déry, professeur à l’Université Northern British-Columbia (UNBC), les apparences sont trompeuses.
« Si on compare les chiffres actuels avec les données d’il y a 30 ou 40 ans, nous constatons que la neige fond presque 30 jours plus tôt, affirme-t-il. La quantité de neige diminue. Nous devons maintenant déterminer dans quelle proportion. »
En 2006, le professeur Déry, qui est titulaire de la chaire de recherche du Canada en hydrométéorologie, a mené campagne avec la UNBC afin d’installer quatre stations de recherche en haute altitude dans la chaîne Cariboo. Un hiver, l’une des stations a été complètement ensevelie sous la neige. Bien que des modèles informatiques perfectionnés et des satellites de télédétection indiquent une perte considérable de neige à ces altitudes, les scientifiques disposent de peu de données sur le terrain pour appuyer ces constatations. Ces stations de recherche « nous permettent de comprendre exactement ce qui se passe et de mieux nous préparer aux répercussions inévitables sur le tourisme et l’écologie », explique le chercheur.
Les conséquences sur le tourisme peuvent sembler futiles par rapport aux éventuelles retombées écologiques, mais comme l’attention du monde entier sera tournée vers les montagnes de la Colombie-Britannique ce mois-ci pendant les Jeux olympiques, c’est la perte de revenus touristiques qui risque de marquer le plus les esprits. « Les gens vont se rendre compte que les changements climatiques occasionneront des bouleversements spectaculaires sur le sport et le tourisme », affirme Déry. Si l’on tient compte des saisons de ski écourtées, de la disparition des sentiers de ski hors-piste ou de motoneige, ou encore des accumulations variables ou du retrait des glaciers qui ont favorisé le tourisme d’aventure, la perte de neige à haute altitude due à la hausse des températures affecte déjà un point névralgique du tourisme de montagne : son bilan financier.
Cependant, les répercussions écologiques commencent également à se faire sentir. La neige fond plus tôt et la saison sèche s’allonge, ce qui signifie que le sol se dessèche et que le risque d’incendie de forêt augmente. Par ailleurs, une fonte des neiges anticipée et accélérée peut faire sortir les rivières de leur lit et, à l’échelle de la province, perturber la production hydroélectrique au fil de l’eau.
Selon Stephen Déry, la conséquence la plus importante de la fonte des neiges est son effet sur le changement climatique, par l’entremise de l’« albédo de la neige/glace ». L’albédo est la mesure du rayonnement solaire réfléchi par la Terre dans l’espace. Lorsqu’une surface enneigée et glacée fond, son albédo diminue, ce qui accroît l’absorption de rayonnement solaire, phénomène qui, en retour, fait fondre plus de neige et de glace. « Voilà pourquoi il est si important de mieux comprendre le changement climatique en haute altitude », précise Déry.
Entouré de son équipe de chercheurs, le professeur Déry se concentre sur la collecte des données de référence qui permettront de valider les prédictions de fonte de neige accrue et, si ces dernières se révèlent exactes, de créer des outils d’adaptation à cette nouvelle réalité. Il ne s’agit pas d’un projet à court terme, mais avec le rêve olympique, les revenus touristiques et tant d’autres choses en jeu, ces données s’avèrent fondamentales. « Il nous faudra des décennies pour y arriver, reconnaît le chercheur, mais nous serons persévérants. »