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Percer les secrets de l’univers grâce à l’apprentissage profond en astronomie

Laurence Perreault-Levasseur et son équipe de recherche de l’Université de Montréal développent et mettent en application des méthodes d’analyse liées à l’apprentissage profond en astronomie. Ces méthodes permettront de mieux connaître notre Univers, mais aussi d’améliorer l’imagerie médicale ou la modélisations climatiques, rien de moins!
Établissement(s)
Université de Montréal
Province(s)
Québec

L’astrophysique sera bientôt transformée radicalement par la mise en service, au Chili, d’un télescope international de nouvelle génération, l’observatoire Vera C. Rubin, qui devrait être terminé en 2025 ou 2026. Grâce à ce télescope, on pourra mener le sondage patrimonial sur l'espace et le temps (Legacy Survey of Space and Time, LSST), qui viendra cartographier l’ensemble du ciel de l’hémisphère Sud tous les trois jours.

Les changements engendrés par le futur télescope enchantent d’ores et déjà la chercheuse Laurence Perreault Levasseur parce que cela ouvre tout un nouveau champ de recherche liant étude de notre Univers et apprentissage profond.

Un effet astrophysique mystérieux qui pourrait le devenir de moins en moins

Laurence Perreault Levasseur travaille à l’Institut de recherche en intelligence artificielle Mila situé à Montréal. Elle est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en cosmologie informatique et intelligence artificielle et professeure adjointe au département de physique de l’Université de Montréal. La chercheuse étudie un phénomène bien particulier en astrophysique : les lentilles gravitationnelles fortes.

En ce moment, les astrophysiciennes et astrophysiciens n’en connaissent et étudient « que » 1 000 qui ont été découvertes grâce à des méthodes traditionnelles d’observation. Avec les nouvelles et fréquentes cartographies du LSST, on estime pouvoir analyser au-delà de 170 000 lentilles gravitationnelles fortes générant chacune des milliers de données!

Or, les méthodes traditionnelles d’analyse ne se révèleront pas assez suffisantes pour traiter des données qui se compteront bientôt en milliards. Mais, Laurence Perreault Levasseur est confiante de disposer des bons outils pour accélérer la cadence.

Lorsque l’on parle de lentilles gravitationnelles fortes, de quoi s’agit-il? Prenez deux objets célestes (deux galaxies par exemple, ou un amas de galaxies ou d’étoiles) qui seraient l’un derrière l'autre. Lorsque les rayons de lumière de la galaxie à l'arrière-plan passent proches de celle à l'avant-plan, ils sont fléchis par la gravité de cette dernière. Ainsi, lorsque l’on observe cela au télescope, les rayons de lumière nous arrivent de plusieurs angles. Grâce à cet effet, plusieurs images de la même galaxie se trouvant à l'arrière-plan se forment à notre vue et donne l’impression de « voir double ». Il arrive aussi que cette image s’étire en arcs ou en anneaux autour de l’objet céleste se trouvant plus proche de nous.

Illustration de l’effet d’une lentille gravitationnelle forte d’une galaxie, en comparaison avec le reflet de la flamme d’une chandelle dans un verre de vin.

Il suffit d’observer la flamme d’une chandelle à travers un verre de vin ou de regarder un poisson dans l’angle d’un aquarium et cela devient déjà un peu moins mystérieux.

Dans les faits, la galaxie à l’avant-plan agit comme une lentille. Or, les spécialistes en astrophysique peuvent utiliser ces lentilles pour plusieurs choses : étudier la galaxie à l’arrière-plan (la flamme de la chandelle), puisque l’effet grossit son image, ou encore étudier la galaxie à l’avant-plan (le pied du verre de vin), parce que c’est elle qui cause les distorsions.

Laurence Perreault Levasseur se consacre à cette seconde étude pour cartographier la distribution de la matière au sein de la galaxie à l’avant-plan. En poursuivant la comparaison, la chercheuse tente de mesurer si le pied du verre de vin est très lisse ou s’il est très « rugueux », comme s’il était fait de verre dépoli.

Étudier l’Univers (la « cosmologie ») par l’entremise des lentilles gravitationnelles fortes renseigne sur la distribution de la matière noire, une substance qui, bien qu’elle représente 80 % de la matière de l’Univers, est méconnue car nous ne pouvons pas l’observer directement. Or, découvrir ses propriétés et caractéristiques est un enjeu primordial : « On a bon espoir de pouvoir en apprendre plus, de pouvoir répondre à certains mystères de la création de l’Univers : on pourrait être capables de faire de meilleures simulations cosmologiques de notre Univers et de la formation des galaxies », s’enthousiasme la chercheuse. Ainsi, les lentilles gravitationnelles fortes servent de porte d’entrée au fait de percer certains des plus grands mystères de l’Univers!

Quand intelligence artificielle rime avec performance et innovation

En attendant que déferlent les données de l’observatoire Vera C. Rubin, la chercheuse et son équipe, composée d’une vingtaine de chercheuses et chercheurs pour la plupart au doctorat et au postdoctorat, s’attèlent déjà à créer et à tester de nouveaux modèles d’analyse des données sur le millier de lentilles répertoriées.

Elles et ils y parviennent en développant des algorithmes d’apprentissage profond en astronomie qui permettront à la fois de gérer et d’analyser les données. Elles et ils se positionnent donc en prévision de l’arrivée massive de nouvelles données. Leur méthode innovante pourra être répliquée et adaptée aux quelque 170 000 lentilles gravitationnelles fortes isolées que l’on observera dans le futur.

Le financement reçu de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) a permis d’acquérir des unités de traitement graphique (GPU) qui sont les infrastructures fondamentales offrant la puissance de calcul phénoménale de l’apprentissage profond.

Quand on parle de puissance, on parle également de rapidité. L’analyse de données en cosmologie sur les lentilles gravitationnelles fortes sera plus précise et bien plus rapide qu’avec les méthodes traditionnelles : 10 millions de fois plus rapide! En effet, la chercheuse estime que grâce à l’intelligence artificielle et aux méthodes d’analyse qu’elle développe, on passera d’une échelle de 1 400 ans à 30 minutes pour étudier l’ensemble des 170 000 lentilles gravitationnelles fortes (il faut trois jours pour en étudier une).

De plus, les retombées de leurs travaux de recherche ne devraient pas se cantonner au lointain cosmos qui parait souvent plus grand que nous, simples Terriens. En effet, et c’est la beauté de la chose, les méthodes d’analyse et modèles d’apprentissage automatique développés par Laurence Perreault Levasseur sont très proches de certaines méthodes d’analyse utilisées en imagerie médicale ou en modélisations climatiques par exemple. « La structure des problèmes est très, très similaire (…) si on investit pour résoudre des problèmes numériques en astrophysique, ça peut avoir énormément d’impacts dans d’autres domaines qui sont complètement différents et qui nous touchent de près tels que la santé », de conclure la chercheuse.

Portait de la chercheuse Laurence Perreault Levasseur.

Le financement de la FCI nous a permis d’acquérir les ressources de calcul essentielles pour développer la prochaine génération d’algorithmes d’analyse en cosmologie. Nous sommes dans une ère de science de précision et nos images demandent des GPU de dernière génération pour être analysées avec la plus grande précision possible. C’est essentiel de s’outiller avec des équipements à la hauteur, et c’est exactement ce que les infrastructures que nous avons acquises nous permettent de faire. »

Laurence Perreault Levasseur de l’Université de Montréal et de Mila