La recherche de nouveaux traitements est une industrie mondiale qui pèse plusieurs milliards de dollars (en anglais seulement). Les sociétés pharmaceutiques cherchent à concevoir des médicaments toujours plus efficaces, qui ont moins d’effets secondaires ou qui ciblent des maladies pour lesquelles il n’existe pas encore de traitement. Cependant, l’un des besoins les plus urgents est la découverte de nouveaux antibiotiques, car la résistance aux antimicrobiens augmente, ce qui réduit l’efficacité des antibiotiques actuels.
Mais comme la plupart des médicaments les plus simples à concevoir existent déjà, cette entreprise se complique. Les méthodes traditionnelles de développement de médicament ont toujours reposé sur l’adaptation d’une formule de médicaments existants ou le recours à des techniques automatisées pour sélectionner un grand nombre de composés en fonction de leurs qualités médicinales particulières. Aujourd’hui, ces approches s’avèrent de moins en moins productives.
« La découverte et la commercialisation de nouveaux médicaments coûtent de plus en plus cher, explique Ré Mansbach, physicienne à l’Université Concordia et titulaire de la chaire de recherche du Canada en physique et biophysique computationnelles. Si nous voulons réaliser des percées plus substantielles, nous devons réfléchir à de nouvelles techniques. »
Cataloguer les molécules médicinales selon leurs similarités
L’équipe de Ré Mansbach a donc recours à l’intelligence artificielle pour classer les médicaments potentiels par catégories. Cette nouvelle approche permettra de créer des « espaces de recherche » stratégiques au service de deux tâches essentielles.
Tout d’abord, le système d’IA passera en revue des groupes de composés chimiques et biologiques, en les classant en fonction de leur séquence moléculaire. Ré Mansbach compare cette démarche à l’élaboration d’un catalogue de bibliothèque. Au lieu de choisir un livre au hasard en espérant y trouver son compte, on peut consulter le catalogue pour repérer le rayon qui correspond le mieux à nos attentes.
Or, déterminer quels composés doivent être regroupés n’est pas simple. En effet, sur quels brins de la structure moléculaire faut-il se baser pour savoir si deux médicaments potentiels sont similaires?
Cependant, une fois qu’un « espace de recherche » a été classé dans une catégorie, l’IA rend le repérage de médicaments prometteurs facile. « L’IA est particulièrement efficace s’agissant d’examiner un grand nombre de données en un claquement de doigts, explique Ré Mansbach. Il est ainsi possible de réduire le nombre d’éléments sur lesquels nous devrons ensuite nous pencher. »
L'IA peut également aider les laboratoires pharmaceutiques à optimiser certaines caractéristiques des médicaments, telles que leur aptitude à pénétrer les membranes cellulaires. Dans ce cas, le défi consiste à parvenir à un équilibre entre une programmation stricte de l’IA et une certaine souplesse d’exécution.
« Parfois, en imposant trop de contraintes à un modèle, on passe à côté de certaines choses, explique Ré Mansbach. Il est en effet possible que la machine détecte un modèle que nous n’avions pas envisagé. »
Dans un premier temps, le laboratoire de Ré Mansbach (en anglais seulement) se focalise sur l’étude des peptides antimicrobiens, des protéines courtes susceptibles de remplacer la pénicilline et d’autres antibiotiques en perte d’efficacité. Et grâce au financement de la FCI, l’équipe dispose d’unités de traitement graphique (GPU) qui accélèrent l’analyse intensive de données reposant sur l’intelligence artificielle.
Parallèlement, par l’intermédiaire de Calcul Québec (une initiative de partage de ressources au niveau du milieu de l’enseignement postsecondaire), d’autres chercheurs et chercheuses peuvent avoir accès à cette puissance de calcul quand l’équipe du laboratoire de Ré Mansbach ne s’en sert pas, ce qui permet d’optimiser l’utilisation de l’équipement.
Accélérer le processus de découverte de médicaments
À terme, Ré Mansbach espère que ses travaux de recherche permettront d’accélérer la découverte de médicaments et de réduire les coûts de la R-D dans le secteur pharmaceutique. Toutefois, la plus grande motivation du laboratoire réside dans la possibilité de générer des connaissances élémentaires : « Nous acquérons des compétences qui favoriseront la conception de médicaments à des fins commerciales de manière générale. Et ce faisant, nous approfondissons ce qui selon moi, tient d’une compréhension fondamentale de la science. »
Il est très important pour le secteur industriel de la santé de réfléchir à des moyens innovants de découvrir de nouveaux médicaments. C’est d’ailleurs l’un des principaux défis que nous devons relever à l’heure actuelle. »
– Ré Mansbach, Université Concordia
Le projet de recherche présenté dans cet article est également financé par le Programme des chaires de recherche du Canada, l’Alliance de recherche numérique du Canada, Mitacs et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.