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À la découverte de la neuro-imagerie de pointe

Les nouvelles technologies offrent de vastes perspectives, de la recherche fondamentale à la chirurgie du cerveau
Par
Julie Stauffer
Établissement(s)
Dalhousie University
Province(s)
Nouvelle-Écosse
Sujet(s)
Sciences de la santé
Illustration d'un cerveau humain réalisée dans des couleurs vives ressemblant à une peinture à l'huile.

Que se passe-t-il à l’intérieur de notre cerveau? Depuis une décennie, Tim Bardouille, physicien à l’Université Dalhousie (en anglais seulement), a recours à la neuro-imagerie pour répondre à cette question. Dans son laboratoire multidisciplinaire Biosignal (en anglais seulement), il se penche sur des sujets aussi variés que la réadaptation après un accident vasculaire cérébral ou le vieillissement du cerveau.

Ainsi, lorsqu’une nouvelle technologie révolutionnaire permettant de cartographier l’activité cérébrale a été mise sur le marché en 2018, le chercheur a voulu s’en emparer. Grâce au financement de la FCI, il a fait l’acquisition du tout premier système de magnétoencéphalographie réalisée à l’aide de magnétomètres à pompage optique (MEG MPO) au Canada.

À l’instar des systèmes de magnétoencéphalographie conventionnels, qui coûtent plusieurs millions de dollars et ne se trouvent que dans un petit nombre d’hôpitaux au pays, ce système d’imagerie MEG MPO produit une image en temps réel de l’activité cérébrale. Toutefois, son prix ainsi que ses frais d’exploitation sont nettement inférieurs. Il est donc possible d’avoir recours à la puissante technologie de neuro-imagerie par magnétoencéphalographie dans le cadre d’un plus vaste éventail d’applications cliniques, mais également, d’activités de recherche.

Le magnétomètre à pompage optique : un précieux atout

A person wearing a cap covered in sensors lies on their back preparing to enter the cylinder of a medical imaging machine.

Le principe de l’imagerie par magnétoencéphalographie est simple. Lorsque les neurones s’activent, ils créent de très faibles champs magnétiques. Or, le défi consiste à les détecter. Pour ce faire, explique Tim Bardouille, il faut deux choses : des capteurs ultrasensibles et un écran qui bloque le champ magnétique terrestre ainsi que tout le bruit magnétique produit par les appareils électroniques qui se trouvent à proximité.

Les systèmes de magnétoencéphalographie conventionnels utilisent des capteurs supraconducteurs qui doivent être baignés dans de l’hélium liquide, puis refroidis à une température avoisinant le zéro absolu (-269° C). Par conséquent, le casque équipé des capteurs de neuro-imagerie est entouré d’un énorme dispositif de refroidissement, le tout étant installé dans une pièce blindée magnétiquement.

Par la force des choses, les systèmes conventionnels utilisent un casque à taille unique. « Ce type de casque fonctionne parfaitement pour les adultes dont la tête est de taille moyenne, affirme Tim Bardouille. Mais il ne convient pas du tout aux enfants, par exemple, ni aux personnes qui ont du mal à rester immobiles. »

Comme les capteurs du magnétomètre à pompage optique reposent sur une technologie différente, il n’est pas nécessaire de les refroidir, ce qui change la donne à bien des égards. En effet, sans tout cet équipement encombrant, l’écran peut être réduit à un cylindre de deux mètres de long doté d’un lit rétractable sur lequel s’allonger, comme dans un appareil d’imagerie par résonance magnétique.

Les capteurs du magnétomètre à pompage optique sont également modulaires, de sorte qu’ils peuvent être fixés à un casque réglable qui s’adapte à un large éventail de personnes. De plus, alors qu’on ne peut installer les capteurs conventionnels directement sur le crâne d’une personne en raison du processus de refroidissement, on peut, en revanche, y fixer ce type de capteurs. Résultat : des signaux plus puissants qui se traduisent par des images plus nettes. « Selon certaines études, la sensibilité serait multipliée par quatre, explique Tim Bardouille. C’est une hypothèse que je tente de confirmer à l’aide de ce nouveau système. »

Concevoir de meilleures techniques d’imagerie cérébrale

Tim Bardouille prévoit que la magnétoencéphalographie réalisée à l’aide de magnétomètres à pompage optique remplacera la technique d’imagerie cérébrale conventionnelle d’ici dix à vingt ans. Toutefois, il faudra beaucoup de travail pour en arriver là. En effet, comme il n’existe actuellement que quelques systèmes de ce genre dans le monde (et que celui du chercheur ne compte encore que parmi les deux seuls dispositifs présents au Canada), de nombreux essais sur mesure doivent encore être effectués afin de mettre tout à fait en place cette technologie si récente.

« Tout ce dont nous disposons, ce sont des capteurs et un écran au moyen desquels nous devons concevoir un dispositif capable de mesurer l’activité cérébrale, explique-t-il. Il y a de nombreuses lacunes qu’il faut pallier. »

Au cours des six dernières années, le chercheur a consacré une grande partie de son travail à la mise en place de ce système, à sa validation ainsi qu’à la résolution de problèmes techniques. À titre d’exemple, il peut arriver que les champs magnétiques se déforment dans le cylindre en raison de sa petite taille, ce qui l’a amené à trouver des moyens de corriger ce phénomène.

Défricher un monde de possibilités pour la recherche et l’application clinique

Parallèlement, Tim Bardouille a commencé à évaluer le potentiel clinique de la magnétoencéphalographie à l’aide de magnétomètres à pompage optique en se penchant d’abord sur les interventions chirurgicales effectuées sur des personnes atteintes d’épilepsie. Lindsey Power, candidate au doctorat, dirige ce projet en s’appuyant sur sa formation en neurosciences et en ingénierie biomédicale.

Lorsqu’une personne souffre d’une forme d’épilepsie qui ne réagit pas aux médicaments, explique la doctorante, l’une des options thérapeutiques consiste à retirer le foyer épileptique du cerveau, là où les crises prennent naissance. Toutefois, avant de procéder à cette intervention, il faut s’assurer que celle-ci ne portera pas atteinte à des fonctions cérébrales cruciales, telles que le langage.

C’est pourquoi Lindsey Power teste la capacité de ce système de magnétoencéphalographie à localiser les centres du langage à la fois dans le cerveau de personnes atteintes d’épilepsie et dans celui d’un groupe témoin en bonne santé. Pour ce faire, elle réalise une scintigraphie du cerveau pendant l’exécution d’une série de tâches auditives et visuelles liées à la reconnaissance et à l’extraction de mots.

Jusqu’à maintenant, les résultats semblent prometteurs et suscitent l’espoir de pouvoir substituer un jour ce système de magnétoencéphalographie aux anciennes technologies d’imagerie, telles que l’imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM), pour un certain nombre d’applications cliniques. Cela se traduirait par une réduction des délais d’attente, une diminution des coûts et l’amélioration des perspectives d’avenir des patientes et des patients.

La magnétoencéphalographie réalisée à l’aide de magnétomètres à pompage optique ouvre également la voie à de multiples occasions de recherche. En effet, elle offre une puissance d’imagerie cérébrale supérieure à celle des dispositifs d’électroencéphalographie généralement utilisés dans les universités. Selon Lindsey Power, grâce à cette technologie de pointe révolutionnaire, le laboratoire de Tim Bardouille a pu faire progresser ses travaux de recherche dans de nouveaux champs et établir des collaborations avec d’autres groupes du monde entier qui se penchent également sur les utilisations possibles de ce système.

« Avoir accès à des magnétomètres à pompage optique dans notre laboratoire nous a permis de mener des recherches de pointe et de soulever de nouvelles questions, ce qui a élargi notre champ d’études », explique-t-elle.

Image de Tim Bardouille.

«ll s'agit d’une occasion de nous positionner à l’avant-garde d’une technologie révolutionnaire. » 
– Tim Bardouille, Université Dalhousie