Dans la forêt tropicale panaméenne, un papillon nocturne rare se pose sur un système photographique automatisé, attiré par une lumière ultraviolette alimentée par l’énergie solaire. Clic! Les capteurs de mouvement s’activent, et l’appareil prend une photo de l’insecte, qui vient s’ajouter à un catalogue d’enregistrements qui ne cesse de s’enrichir.
C’est alors que les algorithmes d’apprentissage automatique conçus par David Rolnick sont mis à contribution, analysant les photos afin d’identifier les espèces connues.
Alors que les changements climatiques menacent d’extinction un nombre croissant d’espèces, il est primordial de surveiller les insectes, explique l’informaticien de l’Université McGill, qui est également membre de l’Institut québécois d’intelligence artificielle : Mila.
« La moitié des espèces sont des insectes. Par conséquent, si la biodiversité nous tient à cœur, nous devons nous soucier de leur sort », souligne David Rolnick. Parmi eux, les papillons nocturnes dont divers animaux se nourrissent et qui pollinisent de nombreuses cultures destinées à l’alimentation humaine.
C’est pourquoi le chercheur a collaboré avec des entomologistes à la mise au point d’un « piège à caméra » assisté par l’IA, un outil qui permet aux spécialistes dont les ressources sont limitées de surveiller les espèces à grande échelle (en anglais seulement), d’analyser rapidement les changements dans leur répartition et de cibler les populations les plus vulnérables afin de leur assurer une protection.
« Ces algorithmes peuvent identifier avec efficacité des milliers d’espèces qui se trouvent à un endroit donné, explique David Rolnick. Ils n’ont jamais besoin de se reposer. Ils peuvent analyser des millions de photographies et sélectionner celles qui sont les plus intéressantes. »
À présent, David Rolnick élabore d’autres algorithmes capables de repérer d’éventuelles nouvelles espèces en plus de suggérer comment les classer. Toutefois, la surveillance des insectes n’est qu’un des nombreux projets qui occupent David Rolnick et son équipe internationale, composée de 30 chercheurs et chercheuses en intelligence artificielle.
Suivre la croissance des cultures en temps réel grâce à l’apprentissage automatique
L’équipe de David Rolnick collabore également avec des partenaires de la NASA Harvest et du projet Céréales du monde (WorldCereal) de l’Agence spatiale européenne afin de comprendre l’incidence de l’évolution des conditions météorologiques sur les rendements agricoles.
« Ce sont les exploitations agricoles du monde entier qui souffrent le plus de l’incidence des changements climatiques », explique David Rolnick. Son équipe conçoit donc des outils d’IA afin de suivre les cultures en temps réel au moyen de l’analyse de l’imagerie satellitaire. Ce faisant, de nombreux défis techniques doivent être relevés pour faire en sorte que le logiciel soit rapide, précis et applicable à tous les types de cultures dans le monde.
D’autres projets portent sur l’élaboration de meilleurs modèles d’évolution du climat, l’optimisation des réseaux de distribution d’électricité et la découverte de catalyseurs chimiques permettant de produire des carburants tels que l’hydrogène à partir de l’électricité.
Concevoir des solutions d’IA pratiques et évolutives
Selon David Rolnick, il est très gratifiant de tirer parti des innovations informatiques afin de trouver des solutions à d’importants enjeux de société. Après avoir ciblé des problèmes que les algorithmes existants ne peuvent résoudre, il collabore avec les utilisatrices et utilisateurs finaux afin d’en développer de nouveaux.
« Ce n’est pas comme si on proposait à notre clientèle une solution clé en main, explique-t-il. Il s’agit de la concevoir ensemble à partir de la base. »
L’objectif est de créer des outils pratiques qui peuvent être facilement déployés partout et utilisés à grande échelle. Et c’est ici que l’équipement financé par la FCI jouera un rôle déterminant, fournissant une plateforme permettant de tester et de mettre en œuvre différentes solutions.
« Notre travail va au-delà de la recherche, explique le chercheur. Nous devons également construire des outils qui puissent être réellement utilisés. »
La FCI nous permet d’élaborer des algorithmes à grande échelle qui sont exploitables par des utilisateurs et utilisatrices du monde entier. Sans ce soutien, nous ne pourrions pas mener nos activités à l’échelle qui est la nôtre. »
– David Rolnick, Université McGill
Le projet de recherche présenté dans cet article est également financé par CIFAR, Mitacs et le Conseils de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.