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Une vitamine pour réduire les troubles causés par l’alcoolisation fœtale

Des chercheurs de la University of Manitoba ont produit des données probantes indiquant qu’un supplément de vitamine A contribuerait à prévenir des troubles qui affectent plus d’enfants que prévu
Établissement(s)
University of Manitoba
Province(s)
Manitoba
Sujet(s)
Génétique

Dans chaque classe au Canada, il est fort probable qu’au moins deux élèves présentent des symptômes de troubles causés par l’alcoolisation fœtale; dans certaines collectivités, le pourcentage d’élèves touchés atteint onze pour cent.

« C’est une réalité qui dérange, affirme Geoff Hicks, chercheur en médecine génétique à la University of Manitoba. Ces troubles touchent une corde sensible. Contrairement aux troubles du spectre de l’autisme, un syndrome comparable, rares sont les gens qui se portent à la défense des enfants présentant des troubles causés par l’alcoolisation fœtale, alors ils sont particulièrement désavantagés. »

Motivés en partie par le désir de rééquilibrer la balance en leur faveur, Geoff Hicks et Berardino Petrelli, un étudiant au doctorat sous sa supervision, se rapprochent d’une solution qui pourrait faire baisser ces nombres grâce à un produit en vente libre.

La vitamine A – aussi connue sous le nom de rétinol – a une structure moléculaire semblable à celle de l’éthanol, l’alcool que nous buvons. Lorsqu’une femme consomme des quantités excessives d’alcool durant sa grossesse, les enzymes qui transforment normalement le rétinol en acide rétinoïque concentrent plutôt leur action sur la détoxification des molécules d’alcool. Par conséquent, elles ne produisent pas assez d’acide rétinoïque, une substance essentielle pour la formation du cerveau. Le cerveau du bébé ne se développe donc pas correctement et l’enfant risque de naitre avec un trouble causé par l’alcoolisation fœtale.

Certains avancent depuis longtemps que les femmes souhaitant devenir enceintes devraient prendre une dose quotidienne de vitamine A pour s’assurer d’avoir suffisamment d’acide rétinoïque même si elles consomment de l’alcool. Pour Geoff Hicks et Berardino Petrelli, ce conseil serait du même ordre que la recommandation de prendre de l’acide folique pour réduire le risque de spinabifida.

« Quand on le dit tout haut, cela semble tellement simple, dit M. Petrelli. Voilà justement pourquoi cette solution est si prometteuse. »

À la lumière des travaux récents de MM. Hicks et Petrelli, les médecins pourraient bientôt recommander la prise de vitamine A dans les conseils prénataux d’usage. Ces experts des modèles animaux génétiques ont apporté une précieuse contribution en concevant des modèles de souris pour mettre à l’essai l’hypothèse relative à la vitamine A.

En 2010, Abraham Fainsod, de la Hebrew University of Jerusalem, a mis au point un modèle de grenouille pour démontrer le lien entre l’alcool et les troubles causés par l’alcoolisation fœtale et le potentiel de la vitamine A, afin de les prévenir. Il a observé que l’ajout d’alcool à l’eau dans laquelle se développaient les têtards engendrait des anomalies du cerveau et des os du visage et du crâne, caractéristiques des troubles causés par l’alcoolisation fœtale. Quand on ajoutait également de la vitamine A, ces anomalies n’étaient pas présentes.

M. Fainsod a communiqué avec Geoff Hicks, directeur du Mammalian Functional Genomics Centre de la University of Manitoba financé par la FCI, pour reproduire l’essai avec un modèle de souris, un animal beaucoup plus proche génétiquement de l’humain que la grenouille. M. Hicks et son équipe ont conçu un modèle de souris qui produisait de faibles quantités de rétinol à un stade critique de la grossesse. Ils ont ainsi pu tester directement le mécanisme selon lequel une quantité insuffisante d’acide rétinoïque peut contribuer aux troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

À l’aide de microscopes électroniques à balayage, M. Petrelli a constaté que les embryons des souris modifiées génétiquement présentaient les malformations du cerveau, du visage et du crâne, caractéristiques de ces troubles. Ces résultats démontrent qu’une faible quantité d’acide rétinoïque, comme dans le cas d’une consommation d’alcool excessive, contribue aux troubles causés par l’alcoolisation fœtale. Cela signifie donc qu’il est possible de prévenir ces troubles en faisant prendre à la mère un supplément pour augmenter l’acide rétinoïque (ou vitamine A).

« C’est très encourageant, car nous disposons désormais d’un bon modèle pour poursuivre nos recherches, ajoute Geoff Hicks. Maintenant, si nous donnons de la vitamine A aux souris femelles, pourrons-nous prévenir les troubles causés par l’alcoolisation fœtale? Nous croyons que oui. C’est une découverte très importante. »

M. Petrelli précise que d’autres recherches sont nécessaires pour déterminer quelle dose serait efficace chez l’humain, et qu’il faudrait accompagner la recommandation d’un programme d’éducation du public. « Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où des gens avaleraient un flacon de comprimés de vitamine A après une soirée bien arrosée », dit-il.

La perspective de réussir à freiner rapidement des troubles qui touchent une proportion si importante d’enfants, mais restent encore méconnus d’une large population, a été une importante source de motivation pour MM. Hicks et Petrelli. « En tant que jeune chercheur, je veux redonner à la collectivité, explique M. Petrelli. J’ai le sentiment que je peux le faire dès maintenant dans ce champ de recherche. Nos travaux pourraient avoir des retombées considérables. »