Au Canada, un homme sur sept recevra un diagnostic de cancer de la prostate au cours de sa vie. Il y a toutefois de bonnes nouvelles : le taux de décès a diminué considérablement dans les dernières décennies. En 2017, 21 300 hommes auraient reçu un diagnostic de la maladie alors que 4 100 en sont morts. En fait, un peu plus de la moitié des hommes atteints ont une tumeur qui évolue lentement et sont susceptibles de mourir d’autres causes.
Le risque augmente avec l’âge : près de deux cas de cancer de la prostate sur trois touchent des hommes de plus de 65 ans. Les chercheurs ignorent toujours pourquoi, mais c’est aussi un cancer plus fréquent chez les hommes d’origine afro-caribéenne, et moins chez les Asiatiques. Parmi les facteurs de risque, on compte également les antécédents familiaux ainsi qu’une alimentation faible en fibres et riche en gras.
Ce cancer peut être détecté aux stades précoces grâce à un dépistage régulier, comprenant une analyse sanguine pour mesurer le taux d’antigène prostatique spécifique (APS) et un toucher rectal. Un diagnostic précoce donne aux hommes un plus vaste éventail d’options de traitement et de meilleures chances de guérison.
En ce moment, les chercheurs tentent de découvrir des traitements plus efficaces et de nouveaux moyens de prédire l’évolution de la maladie. Nous vous présentons deux chercheurs canadiens qui adoptent des approches uniques.
Les produits de santé naturels mis à l’essai
Un diagnostic de cancer peut être effrayant et pousser les gens à essayer toutes sortes de traitements, éprouvés ou non. Les produits de santé naturels n’ont pas tous fait leurs preuves, mais il ne s’agit pas forcément pour autant de remèdes de charlatan.
Emma Guns s’emploie justement à départir les solutions efficaces du charlatanisme. Pharmacologue à la University of British Columbia, elle analyse des produits de santé naturels recommandés par des naturopathes pour lutter contre le cancer de la prostate. C’est un domaine peu exploré par la recherche puisque, comme l’explique Mme Guns, « il est souvent impossible de faire breveter les produits naturels ».
Elle concentre ses efforts sur la vitamine D, les grenades et le ginseng, car des études préliminaires semblent indiquer qu’ils pourraient être efficaces. Elle examine d’abord les molécules que produit notre foie lorsqu’il décompose ces substances, puis analyse leur effet sur les hormones qui favorisent la croissance des tumeurs de la prostate.
La première étape consiste à incuber un mélange de tissus hépatiques humains et de produit naturel. « Souvent, le foie métabolise tout en premier, explique Mme Guns. Ce qui nous intéresse, c’est ce qui se retrouve dans notre organisme. »
Elle se sert d’un spectromètre de masse pour isoler et identifier les molécules qui restent après que le foie a fait son travail. Elle expose ensuite des cellules de cancer de la prostate à des molécules potentiellement actives et observe l’interaction de ces dernières avec les hormones qui influencent la croissance des tumeurs.
Mme Guns dit qu’en bref, sa recherche vise à répondre à deux questions essentielles à propos des produits naturels et du cancer : « Est-ce utile? Est-ce nuisible? Nous devons aider les patients à prendre des décisions éclairées. »
Vers un pronostic précis
Comment déterminer si un homme est atteint ou non d’une forme agressive de cancer de la prostate? C’est l’un des plus grands défis de la recherche dans le domaine.
À la University of Calgary, le pathologiste Tarek Bismar essaie de cerner une signature de marqueurs biologiques (en gros, un groupe de gènes) pouvant prédire avec exactitude l’évolution du cancer de chaque homme touché. Ainsi, les médecins pourraient avoir recours à la radiation, à la chirurgie ou à l’hormonothérapie pour traiter les patients atteints d’un cancer de la prostate agressif, et suivre les autres en fonction de leur risque individuel d’évolution de la maladie.
En plus d’éviter aux hommes atteints d’un cancer peu agressif des traitements superflus, dont les effets secondaires sont souvent nuisibles, c’est un moyen d’utiliser plus judicieusement les couteuses ressources en santé.
Les tests actuels ne permettent qu’une évaluation approximative des probabilités de progression d’évolution. Même les biopsies peuvent donner des résultats faussement négatifs. M. Bismar espère pouvoir offrir une méthode plus précise.
Pour ce faire, il utilise des échantillons de tissus tumoraux provenant d’hommes atteints de cancer de la prostate à divers grades.
Il détermine d’abord les mutations génétiques dans chaque échantillon. Il examine ensuite l’expression de ces gènes – autrement dit, le degré d’activité des gènes mutés. Plus le gène causant le cancer est actif, plus la tumeur grossit rapidement.
En combinant ces renseignements à un suivi détaillé de l’état de santé de chaque homme, M. Bismar peut cerner avec exactitude le degré d’activité des gènes. Il compte tirer parti de cette découverte pour répartir en quatre groupes les hommes atteints de cancer de la prostate. Les trois premiers feraient l’objet d’un suivi plus ou moins étroit selon le risque (faible, intermédiaire ou avancé). Les hommes présentant le risque d’évolution le plus élevé seraient classés dans le quatrième groupe et traités immédiatement.
Bien que d’autres chercheurs tentent aussi de distinguer les patients ayant besoin d’un traitement immédiat de ceux pour qui ce n’est pas nécessaire, répartir ceux-ci en groupes plus précis n’est pas chose courante.
Comment détermine-t-il le degré d’expression d’un gène? Une méthode repose sur la mesure de la variation du nombre de copies du gène, un phénomène de répétition de sections du génome. Plus la section concernée se répète souvent, plus grande est l’expression du gène. Il mesure également l’expression en examinant les taux de protéines produits par le gène et la structure de l’ARN messager, soit les molécules qui transmettent l’information génétique de l’ADN.
Peu importe la méthode utilisée, il a toujours le même objectif en tête : éviter des traitements superflus au plus grand nombre d’hommes possible.