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S’attaquer aux multiples aspects de la crise du logement au Nouveau-Brunswick

Découvrez comment, grâce à quelques canapés bien placés, un laboratoire de sciences sociales réunit des parties prenantes pour aborder les enjeux intimement liés de l’abordabilité du logement, de la santé mentale et de la sécurité alimentaire.
Établissement(s)
University of New Brunswick
Province(s)
Nouveau-Brunswick
Sujet(s)
Sciences sociales
Sciences économiques
Illustration de plusieurs mains qui soutiennent un empilement rond de maisons sur fond de ciel nuageux.
Une grande pièce lumineuse aménagée avec des canapés confortables, un tapis et un mobilier chaleureux.

Lorsque Julia Woodhall-Melnik a mis sur pied le laboratoire de recherche sur le logement, la mobilisation et l’engagement (HOME-RL) sur le campus de Saint John, à l’Université du Nouveau-Brunswick (sites en anglais seulement), elle souhaitait créer un espace confortable et rassurant.

« Souvent, les universités sont des lieux très austères et institutionnels », explique Julia Woodhall-Melnik, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les communautés résilientes. « Nous souhaitions créer un espace où nous pourrions accueillir les membres de la collectivité. » La collaboration et la recherche communautaire constituent, en effet, une part importante de son travail qui consiste à examiner les enjeux intimement liés que sont l’abordabilité du logement, la pauvreté et la santé mentale.

« Pour comprendre véritablement une réalité donnée, nous devons entrer en contact avec les personnes qui la vivent, explique-t-elle. Nous ne pouvons pas élaborer des interventions sans connaître les besoins, le mode de vie et les attentes de cette population. »

Depuis l’ouverture du laboratoire financé par la FCI au printemps 2022, des personnes de tous horizons ont pris place sur l’un des canapés moelleux qui donnent à l’aire principale une atmosphère chaleureuse : du personnel d’organisations locales à but non lucratif et leur clientèle; des groupes de défense des droits des locataires; des personnalités politiques à l’échelle municipale ou provinciale et des stratèges politiques.

Ces rencontres ont débouché sur plus d’une dizaine de projets de recherche différents qui visent à améliorer la qualité de vie des personnes à faible revenu au Nouveau-Brunswick et à l’extérieur de la province.

Définir des points d’intervention afin d’aider chaque personne à conserver son logement

Une porte ouverte débouche sur une pièce où trônent des canapés. À côté de la porte se trouvent trois affiches; l’une porte le nom du laboratoire (HOME-RL), et les deux autres, le logo de la Fondation canadienne pour l’innovation et celui de la Fondation de l’innovation du Nouveau-Brunswick.

L’initiative en matière de logement et de santé communautaire des Maritimes illustre bien cette démarche. En effet, cette collaboration avec le ministère provincial du Développement social se penche sur l’expérience des personnes en attente d’un logement subventionné dont la liste est passée de 4 750 à 11 000 personnes au cours des deux dernières années.

« Notre constat est plutôt sombre », déclare Julia Woodhall-Melnik. La plupart des personnes inscrites sur la liste d’attente font état d’un handicap physique ou d’une maladie mentale, et nombre d’entre elles sont en proie à l’insécurité alimentaire. La chercheuse souhaite maintenant lancer une étude qualitative afin de mieux comprendre comment celles-ci composent avec cette situation.

« Comment tirent-elles parti de leurs ressources pour conserver leur logement? Et quelles sont leurs principales difficultés lorsque ces ressources ne suffisent plus?, se demande-t-elle. Y a-t-il des points d’intervention clés qui nous permettraient d’aider ces personnes avant qu’elles ne perdent leur logement? »

Créer des logements sûrs pour les jeunes

Un deuxième projet concerne les jeunes de Saint John qui luttent pour obtenir un logement sûr et abordable, en partie à cause d’un manque de revenu fiable ou d’une aide gouvernementale. Ces jeunes, dans l’adolescence ou la vingtaine, se trouvent confronté à de graves conséquences car l’absence de logement rend difficile le fait de poursuivre ses études, de s’insérer sur le marché du travail ou d’accéder à des services d’aide.

Au centre d’échanges pédagogiques de Saint John (en anglais seulement), la directrice du programme, Erin MacKenney, a vu un trop grand nombre d’élèves se rendre à des cours équivalents à ceux des études secondaires offerts par son organisation, en traînant des sacs à dos remplis d’effets personnels. « Ces jeunes venaient à l'école et faisaient de leur mieux. Malgré tout, aucun endroit sûr ne les attendait à la fin de la journée », explique-t-elle.

Le centre pédagogique s’est donc associé à d’autres organismes de proximité afin de mettre en place le programme « La sécurité d’abord ». Cette initiative axée sur le logement, permet aux jeunes de vivre de manière autonome grâce à une aide au logement ainsi qu’à des services de mentorat, de perfectionnement des compétences, de soutien en santé mentale ainsi qu’en matière de formation et d’emploi.

Grâce à l’apport de HOME-RL, il a été possible de structurer des éléments de recherche et d’évaluation du programme. Il y a également eu un partage de meilleures pratiques. « Ces indications se sont avérées très importantes », explique Erin MacKenney, qui ajoute que son personnel a apprécié de travailler avec l'équipe HOME-RL pour se tenir au courant des recherches.

« J’ai déjà consulté du personnel enseignant à ce sujet, et j’en ai obtenu d’excellents conseils. Mais là, c’était différent, poursuit-elle. Il s’agissait d’un partenariat réfléchi et ciblé. »

Depuis juillet 2021, 45 jeunes ont participé au programme « La sécurité d’abord ». Aujourd’hui, beaucoup n’ont plus besoin d’aide au logement, et la totalité est soit sur le marché du travail, a réintégré les rangs de l’école ou amélioré son bien-être. Mais comme l’offre de logements abordables ne cesse de reculer au Nouveau-Brunswick, comme dans l’ensemble du pays du reste, il y a encore beaucoup à faire pour appuyer les locataires à faible revenu, et ce, quel que soit leur âge.

La disparition des logements abordables

Portrait de Julia Woodhall-Melnik.

De retour à HOME-RL, l’équipe de recherche a décortiqué les données provinciales sur le logement. Cette analyse a révélé une hausse substantielle du nombre de logements haut de gamme à prix élevé accompagnée d’une forte baisse du nombre de logements à l’autre extrémité de la gamme entre 2016 et 2021.

Selon Julia Woodhall-Melnik, cette situation s’explique en grande partie par la forte croissance des sociétés d’investissement immobilier qui ont l’obligation légale de générer des revenus pour leurs actionnaires.

« La démarchandisation du logement est le seul moyen de résoudre ce problème », affirme-t-elle. Et il faudra faire preuve de volonté politique. Selon les estimations de HOME-RL, approvisionner la province en suffisamment de logements abordables, uniquement pour remplacer ceux qui ont disparu depuis 2011, pourrait coûter aux gouvernements provincial et fédéral entre 1 et 3,5 milliards de dollars, dépendamment du nombre de logements qui sont achetés, rénovés et construits de zéro. Et cela ne concerne qu’une province de 800 000 âmes.

« Ce ne sera pas une décision facile à prendre », prévient Julia Woodhall-Melnik. Mais c’est indispensable, d’autant plus que les catastrophes climatiques entraînent de plus en plus de déplacements de population, et qu’un grand nombre de personnes n’ont plus les moyens de souscrire une assurance habitation.

« Chaque individu a le droit de vivre dans un endroit sûr, abordable et sécuritaire, souligne Erin MacKenney. Une personne ne peut pas avancer dans la vie en se demandant sans cesse si elle aura toujours un toit le lendemain.

“Le financement fourni par la FCI pour HOME-RL nous a permis de cultiver un espace sur le campus qui est vraiment unique. Il favorise la collaboration et le confort, il accueille autant les cohortes étudiantes que celles qui ne sont pas affiliées à l’université, et il nous offre un lieu où nous pouvons nous connecter et travailler avec nos partenaires communautaires, nos étudiantes et étudiants, d'autres chercheurs et chercheuses et notre personnel. » – Julia Woodhall-Melnik