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L’énergie éolienne peut-elle alimenter le Nord?

Des chercheurs et chercheuses de l’Institut de recherche du Collège Aurora utilisent des scanners LiDAR portables pour tenter de trouver la réponse
Par
Colleen Seto
Établissement(s)
Aurora College
Province(s)
Territoires du Nord-Ouest
Sujet(s)
Nature
Atmosphère

De nombreuses communautés nordiques du Canada s’éclairent grâce à des génératrices au diesel. Sans parler des émissions de gaz à effet de serre et des effets néfastes sur la santé, le coût déjà exorbitant de la dépendance au diesel s’élève encore davantage en raison de la hausse constante des prix. Tout le diesel arrive par bateau, ce qui, dans le Nord, complique les choses à cause des températures souvent sous le point de congélation, de la distance qui sépare le Nord du reste du Canada et de la grande dispersion de sa population.

C’est pourquoi les chercheurs et chercheuses de l’Institut de recherche du Collège Aurora à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, étudient la viabilité de l’énergie éolienne pour les communautés du Nord. Cette source d’énergie renouvelable est prometteuse en raison de la stabilité relative de son prix et de son potentiel à réduire d’une part, la dépendance au diesel et d’autre part, le nombre de pannes et les émissions de gaz à effets de serre.

Une bannière bleue avec le logo blanc du Navigateur d'installations de recherche sur la droite et un texte blanc sur la gauche promouvant l'inclusion de l'initiative de recherche de cette histoire dans le site web du Navigateur.

 

Le vent est-il une source d’énergie fiable?

Pour déterminer si l’énergie éolienne est envisageable dans une région, il faut d’abord évaluer le potentiel des sites à produire suffisamment d’électricité. « Il ne s’agit pas de savoir s’il y a du vent, mais plutôt si ce vent se traduira en énergie en s’intégrant au réseau », explique Patrick Gall, gestionnaire du développement technologique au Collège Aurora.

Le collège participe à l’installation de tours météorologiques pour étudier les éventuels emplacements. Cependant, le processus est parfois difficile, onéreux et long. « Nous avons installé une tour à Norman Wells [Tłegǫhłı̨], où les conditions du sol n’étaient pas très bonnes. Elle est pratiquement installée dans un marécage » raconte Patrick Gall. De plus, le bon fonctionnement de cette tour nécessitait beaucoup d’entretien.

Pour réduire la durée et le coût des évaluations, le collège a eu recours à la technologie de détection et de télémétrie par ondes lumineuses ou LiDAR (Light Detection and Ranging). On utilise ainsi la lumière sous la forme d’un laser à balayage pour mesurer la vitesse et la direction du vent, ainsi que la turbulence de l’air. Grâce au financement de la FCI, le collège a acquis le premier appareil LiDAR des Territoires du Nord-Ouest.

Les LiDAR étant mobiles, ils se déploient beaucoup plus rapidement que les tours météorologiques traditionnelles. « Un appareil LiDAR pèse environ 80 kilos, au lieu des milliers de kilos d’une tour, et il arrive sur une palette entièrement fermée qui peut être déployée à l’arrière d’un camion, explique M. Gall. Nous le transportons simplement à l’endroit choisi. À deux, nous avons mis trois heures à installer le LiDAR, alors qu’il a fallu une semaine à toute une équipe avec de l’équipement lourd pour monter une tour. »

Grâce à son efficacité supérieure, la technologie LiDAR montre plus clairement les endroits propices à la production d’énergie éolienne

Les chercheurs et chercheuses du Collège Aurora ont d’abord placé le LiDAR à côté d’une tour pour en comparer la fiabilité, la consommation d’énergie et l’entretien. Une fois obtenue la confirmation que le LiDar pouvait faire le travail d’une tour plus efficacement, cette dernière a été remplacée par le LiDAR. L’institut dispose désormais d’un deuxième LiDAR, ce qui lui permet de couvrir un plus grand nombre de sites. « Pour déterminer l’emplacement d’un parc éolien, il est utile d’évaluer plusieurs sites, explique M. Gall. Nous pouvons installer un LiDAR au sommet d’une colline et un autre dans une vallée, de manière à obtenir des données plus précises pour l’aménagement potentiel du parc. »

Un appareil de la taille d’une glacière de camping est posé sur une palette en bois surélevée dans un champ d’herbe basse encerclé d’une forêt de petits conifères à l’arrière-plan.

Un plus grand nombre de sites signifie un plus grand nombre de données, ce qui permet de dresser un tableau plus complet. « Nous obtenons ainsi un degré de certitude supérieur quant à l’intégration de l’éolien, précise M. Gall. Nous pouvons dresser une carte des ressources par rapport à un endroit où une turbine pourrait être installée. »

De plus, le LiDAR mesure des éléments comme la vitesse et la direction du vent jusqu’à 200 mètres d’altitude, alors que les tours les détectent jusqu’à 60 mètres seulement. Tout cela aide à réduire les incertitudes. Selon M. Gall, c’est là que le LiDAR prouvera sa valeur, car une différence de deux à trois pour cent en degré de certitude grâce à l’augmentation des données peut représenter une différence de plusieurs millions de dollars.

« Ces données sont très précieuses », reconnaît Grant Sullivan, président de Nihtat Energy Ltd, une entreprise du Nord détenue et exploitée par des Autochtones qui se consacre au développement et à l’exploitation de projets d’efficacité énergétique et d’énergies de remplacement propres. « Bien des vendeurs ne vous vendront même pas d’éolienne si vous n’avez pas les données nécessaires à l’appui. Le LiDAR est très précis, plus qu’une tour ».

Nihtat a des projets solaires dans le Nord, mais « la saison solaire s’étend de mars à septembre, lorsque notre consommation d’électricité est la plus faible, souligne M. Sullivan. L’hiver est une saison de forte demande. Le solaire ne permet pas d’alimenter le réseau en énergie renouvelable pour l’hiver; c’est là qu’intervient l’éolien. Il doit y avoir une correspondance dans le temps entre le besoin d’énergie renouvelable et sa production. »

La recherche du Collège Aurora sur le LiDAR aidera des entreprises comme Nihtat à mieux comprendre le vent comme source d’énergie pour les communautés nordiques ou éloignées. « Nous espérons que nos travaux suffiront à accélérer l’avènement de nouveaux projets », conclut Patrick Gall.