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Emprunter la bonne voie pour réduire les émissions provenant de la circulation routière

En établissant le profil des émissions d’échappement et en créant des modèles de transport adaptés aux collectivités, la recherche aidera les villes à atteindre plus rapidement leur cible en matière de neutralité carbone, même par des températures sous zéro
Établissement(s)
Simon Fraser University
Province(s)
Colombie-Britannique
Sujet(s)
Génie
Combustibles et énergie

Les villes sont confrontées à un véritable casse-tête. Certes, elles cherchent à réduire les toxines et les gaz à effet de serre (GES) émanant du système d’échappement des véhicules. Mais devant la multitude de technologies et de modes de transport plus verts disponibles, qu’il s’agisse de l’électricité, de l’hydrogène en passant par le diesel renouvelable, le vélo et le transport en commun, comment déterminer les solutions à privilégier?

Selon Vahid Hosseini, il faut d’abord disposer de données précises sur le plan géographique et de bonne qualité. « Dans le domaine des transports, il n’y a pas de solution universelle. Il faut toujours s’adapter », explique le chercheur, qui dirige le laboratoire de recherche collaborative sur l’énergie, la pollution atmosphérique, les transports et l’environnement (CREATE) à l’école d’ingénierie durable de l’Université Simon-Fraser (sites en anglais seulement).

Un ensemble de trois images montrant des appareils technologiques, dont un ordinateur portable dans un lourd étui et deux petites boîtes, l’une grise et l’autre argentée, auxquelles sont attachés des capteurs.

En effet, les émissions réelles générées par la circulation peuvent varier considérablement d’un endroit à un autre, en fonction des conditions météorologiques, du territoire et du comportement des automobilistes. Pourtant, les villes fondent souvent leurs décisions stratégiques en matière de transport sur des données recueillies en laboratoire, qui datent souvent de plusieurs décennies, ou encore sur celles relevées à des milliers de kilomètres de distance. En outre, très peu de publications se penchent sur les émissions produites à des températures inférieures à -7 degrés Celsius, plongeant ainsi les villes des régions froides dans un flou décisionnel.

Vahid Hosseini souhaite remédier à cette situation grâce à son nouveau système portatif de mesure des émissions financé par la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI). En effet, grâce à ce puissant outil, il pourra mesurer les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique émanant des systèmes d’échappement des voitures, des camions et des autobus qui circulent dans les rues de l’agglomération de Vancouver et de celle d’Edmonton. « La ville nous servira de laboratoire vivant », explique-t-il.

Ce système peut enregistrer toutes les émissions régies, présentes dans les gaz d’échappement des véhicules (particules, monoxyde de carbone, dioxyde de carbone, oxydes d’azote, hydrocarbures non brûlés), ainsi que jusqu’à 300 composés gazeux différents non réglementés. Un module météorologique miniature mesure la température de l’air, la vitesse et la direction du vent, ainsi que le taux d’humidité. D’autres capteurs détectent, pour leur part, la vitesse et la charge du véhicule.

Or, la collecte de toutes ces données en situation réelle ne constitue que la première étape du projet de recherche.

Bannière verte promouvant la campagne "Prêts pour un monde en mutation" de la FCI.

Créer un jumeau numérique au système de transport urbain

Le chercheur se servira de ces données pour créer des modèles d’émissions provenant des transports, à Vancouver et à Edmonton, qui tiendront compte de la complexité et des interactions des diverses options de décarbonation. Ces « jumeaux numériques » permettront donc de mettre à l’essai et de comparer différents types de scénarios et d’interventions.

À titre d'exemple, nous pourrions déterminer quelles seraient les conséquences de l’électrification intégrale des transports dans une ville; ou ce qu’il adviendrait si nous nous tournions plutôt vers l’hydrogène; ou encore si un investissement massif dans le transport en commun et les pistes cyclables entraînerait une réduction significative des émissions; ou alors, si le fait d’imposer une taxe sur les déplacements en voiture pendant les heures de pointe constituerait une solution plus avantageuse sur le plan financier.

Dans tous les cas, les résultats seront propres à chaque ville. Après tout, se déplacer sur les pentes abruptes et pluvieuses qui entourent l’Université Simon-Fraser dans la région métropolitaine de Vancouver constitue une situation très différente de celle qui prévaut sur le territoire relativement plat de la ville d’Edmonton, au cœur de l’hiver.

Pour transformer cette mine de renseignements en un modèle utilisable, de même que pour réaliser par la suite des simulations, Vahid Hosseini s’appuie sur une équipe de recherche interdisciplinaire regroupant des spécialistes du génie mécanique, des sciences de la terre et de l’atmosphère, du génie civil, des politiques publiques, de l’urbanisme et de l’hygiène du milieu (ou l’écosalubrité).

« Il s’agit d’un véritable défi. C’est long et fastidieux. Il faut procéder avec beaucoup de rigueur », reconnaît le chercheur. Mais les résultats en valent la peine. « C’est ce qui nous permet d’informer les personnes responsables des politiques. »

Orienter favorablement les politiques en matière d’émissions de gaz à effet de serre

À terme, Vahid Hosseini espère que ses travaux de recherche aideront les villes à comprendre de quelle manière les multiples technologies des transports et moyens technologiques peuvent réduire les émissions au sein de leur collectivité. Selon Amanda Giang, collaboratrice et chercheuse à l’Institut des ressources, de l’environnement et de la durabilité de l’Université de la Colombie-Britannique (sites en anglais seulement), cette question est particulièrement cruciale s’agissant des changements climatiques. À l’heure actuelle, les transports urbains sont responsables d’environ un quart des émissions globales de gaz à effet de serre au Canada.

« Le temps presse, souligne-t-elle. Il ne s'agit pas seulement de fixer une cible, mais de disposer des données nécessaires pour déterminer comment nous allons l’atteindre. »

Les modèles mis au point par Vahid Hosseini permettront aux villes de mettre à l’essai différentes options et de choisir la meilleure voie à emprunter avant de faire des investissements qui les engageront sur une dizaine d’années, voire au-delà.

« Voici, selon moi, l’occasion de prendre des décisions qui peuvent réellement nous faire tendre vers un éventail plus large d’objectifs », déclare Amanda Giang.

Il s’agit en effet d’aborder les enjeux liés aux changements climatiques, à la qualité de l’air et à la santé humaine. Toutefois, il est possible, en parallèle, de faire progresser la justice environnementale. À titre d’exemple, Amanda Giang souligne que les populations marginalisées sont généralement situées à proximité des grands axes routiers, ce qui les expose à des taux de pollution bien plus élevés que ceux enregistrés dans des quartiers plus aisés.

« Il est essentiel de brosser un tableau de la situation actuelle, mais aussi de réfléchir aux moyens de réduire les émissions futures et le degré d’exposition auquel nous devrons faire face », explique-t-elle.

Assurer la pérennité du système de transport

Portrait de Vahid Hosseini.

Vahid Hosseini reconnaît qu’il est essentiel d’adopter des mesures à long terme. C’est pourquoi nous devons investir dans des solutions sur mesure qui tiennent compte à la fois des besoins d’aujourd’hui et de demain, tout en veillant à ce que notre système de transport soit en mesure de résister aux inondations et à d’autres défis climatiques au cours des décennies à venir.

Si les enjeux sont extrêmement élevés, le chercheur soutient « qu’il ne s’agit pas d’une question de technologie ni de carburant ni même d’émissions. » Il s’agit plutôt de faire en sorte que la population puisse continuer à se déplacer selon ses besoins. « L’accès aux réseaux de transport et à la mobilité est un réel facteur de changement pour la collectivité. »

 

Selon Vahid Hosseini, « en produisant des données réelles et de haute qualité sur les émissions et la consommation d’énergie, ce projet de recherche financé par la FCI aidera les collectivités à élaborer des politiques éclairées afin de décarboner les transports. »