Des solutions novatrices et immédiates sont requises pour juguler la crise de santé publique que représente la hausse vertigineuse du nombre de décès liés aux opioïdes au Canada. En effet, en 2022, en moyenne 20 personnes ont perdu la vie chaque jour, soit deux fois plus qu’en 2019, avant la pandémie de la COVID-19.
Les membres du corps professoral Stephanie Borgland et Tuan Trang, de l’école de médecine Cumming de I’Université de Calgary (en anglais seulement), ont répondu à cet appel en entreprenant des travaux de recherche visant à mieux comprendre la manière dont les troubles liés à la consommation d’opioïdes – une maladie mentale complexe – modifie le cerveau. En collaboration avec des personnes souffrant de toxicomanie, cette équipe s’efforcera d’accélérer la mise au point de traitements médicamenteux ô combien nécessaires et ce, en réaffectant des médicaments existants n’étant pas destinés à traiter les effets des opioïdes pour traiter les symptômes débilitants de la consommation d’opioïdes.
À l’heure actuelle, il n’existe que quatre médicaments approuvés pour traiter ces troubles, et le taux de rechute chez les personnes qui suivent un tel traitement est d’environ 70 pour cent. « Je travaille dans deux centres de rétablissement, et ce que je vois est catastrophique », constate Stephanie Borgland, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la physiologie moléculaire des toxicomanies. « Ces personnes font de leur mieux pour ne pas consommer, mais elles ont grand besoin d’un médicament pour composer avec le sevrage ou l’état de manque. Mon objectif premier est de trouver un traitement pour les aider, en particulier quand on sait le grand nombre de personnes qui meurent de cette maladie. »
Grâce à une puissante technologie d’imagerie financée dernièrement par le Fonds d’innovation de la Fondation canadienne pour l'innovation, l’équipe de recherche pourra enregistrer l’activité de centaines de neurones et de cellules individuelles dans les circuits neuronaux, chez des modèles de rongeurs. Elle pourra ainsi mieux comprendre la manière dont la plasticité du cerveau, c’est-à-dire la capacité des circuits neuronaux à se développer et à se modifier, évolue en fonction de la consommation régulière de drogues. L’objectif consiste à atténuer l’état de manque ou à prévenir une rechute en ciblant des zones au sein de ces circuits neuronaux qui pourraient être bloquées ou renforcées à l’aide de médicaments auparavant utilisés à d’autres fins.
« Comprendre ce phénomène biologique nous permettra de mettre au point des traitements beaucoup plus efficaces dans des délais plus courts. La réaffectation de médicaments, elle, nous permettra de passer plus rapidement à l’étape des essais cliniques », explique Tuan Trang, expert en pharmacologie des opioïdes. Tandis que son équipe travaillera également à mettre au point de nouvelles pharmacothérapies, il estime que le fait de se concentrer, pour l’instant, sur les médicaments existants, permettra de gagner de nombreuses années d’essais et d’approbations, ce qui pourrait, à terme, sauver des vies.
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