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Cultiver des tissus humains à partir de végétaux
Inspiré par des films comme La petite boutique des horreurs et La matrice, le laboratoire d’Andrew Pelling, à l’Université d’Ottawa, transforme les idées les plus audacieuses en produits concrets
Établissement(s)
Université d'Ottawa
Province(s)
Ontario
Sujet(s)
Biologie cellulaire
Le laboratoire spécialisé en manipulation biophysique d’Andrew Pelling, à l’Université d’Ottawa, met la curiosité et les idées farfelues à l’honneur. Sur la page d’accueil de l’installation, on décrit celle-ci comme « un espace d’exploration où scientifiques, ingénieurs et artistes travaillent en étroite collaboration sous le signe de la curiosité. » L’objectif de ce laboratoire est de faire germer des idées – même les plus saugrenues – afin d’étudier les technologies biologiques de l’avenir.
Cet endroit a été le point de départ d’une expérience consistant à fabriquer des oreilles à partir de tranches de pomme – d’ailleurs le thème de la conférence TED2016 du chercheur qui compte plus d’un million de visionnements. Il a aussi fait office d’incubateur pour la nouvelle entreprise de M. Pelling, pHacktory, un laboratoire de recherche sur le terrain d’Ottawa qui confère une autre dimension aux idées de la collectivité grâce à un puissant mélange de créativité, de découvertes et de curiosité.
Nous avons discuté avec M. Pelling, qui est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en mécanique cellulaire expérimentale, pour savoir comment, guidé par la curiosité naturelle propre à l’homme, il en est venu à concevoir de nouvelles technologies transformatrices qui estompent la frontière entre la fiction et la réalité.
Vous êtes invité!
Écouter Andrew Pelling à Ottawa, le 5 décembre 2016.
Qu’entendez-vous par « technologies biologiques spéculatives »?
Bonne question! [rire] Je veux savoir s’il est possible de créer des tissus et des organes vivants qui n’existent pas dans la nature. Lorsque j’utilise le terme « spéculatif », j’entends la « spéculation » à propos d’un tissu potentiel qui pourrait susciter l’intérêt un jour. Nous essayons d’élever la biologie au rang de la science-fiction, ou plus précisément, de voir comment il serait possible de transformer une idée tirée de la science-fiction en réalité scientifique.
Prenons l’expérience que nous avons réalisée avec des pommes. Nous avons créé des tissus vivants hybrides à partir de structures végétales et animales. Cela n’existe pas à l’état naturel, et ce serait une chose très difficile à produire en effectuant des modifications génétiques ou en appliquant les principes de la biologie synthétique, mais nous avons tout de même réussi à fabriquer des tissus vivants dans un récipient de culture. Nous pouvons les utiliser pour faire des greffes ou même, possiblement, fabriquer de nouveaux types d’organes qui n’existent pas encore.
Nous nous demandons souvent quel pourrait être ce nouvel organe et quelle serait sa fonction. Il est difficile de répondre à cette question parce que nous connaissons très bien les organes du corps humain et que notre pensée est conditionnée par ce savoir. Peut-être qu’un de ces organes pourrait être un récepteur Wifi branché à un nuage ou encore un biocapteur. Nous essayons de redéfinir l’idée que nous nous faisons de la biologie et d’utiliser les outils à notre disposition pour formuler des hypothèses sur la biologie et l’avenir des systèmes vivants sur notre planète ou ailleurs dans l’univers.
Est-il parfois difficile d’expliquer aux gens ce que vous faites?
Nous expliquons ce que nous faisons en utilisant des références à la science-fiction qui sont connues par la plupart des gens et nous essayons de voir à quel point il est possible de concrétiser ces idées.
Les gens n’arrivent pas toujours à imaginer les applications qui pourraient découler de nos recherches. Mais cela est conforme à l’idée que je me fais de la science. Nous n’essayons pas nécessairement de créer des choses utiles. En fait, cela nous intéresse peu. Nous voulons simplement poser des questions qui sont pour l’instant sans réponse.
En ce moment, à l’ère de la biotechnologie qui est la nôtre, nous pouvons aisément manipuler et maitriser des systèmes biologiques. Et nous essayons de voir jusqu’où nous pouvons aller. Mon laboratoire repose uniquement sur la curiosité pure, et même si notre objectif n’est pas de créer des applications, nous avons tout de même démarré deux entreprises, fait reconnaitre des droits de propriété intellectuelle et commercialiser des appareils par l’entremise d’autres entreprises canadiennes. Tous ces résultats probants surviennent alors que nous ne cherchons pas à créer des applications ni une pile ayant un meilleur rendement; nous nous laissons simplement menés par la curiosité inspirée, bien souvent, des films de science-fiction.
(disponible uniquement en anglais)
Qu’est-ce qui diffère de l’approche scientifique traditionnelle?
Notre approche de la science est en fait la même qui prévalait à l’époque de la Renaissance. Tous les scientifiques le disent : enfants, ils faisaient preuve d’une grande curiosité. Aujourd’hui, on a, en quelque sorte, associé la valeur de la science et du savoir à celle de leur l’application. Je pense qu’on a oublié que la curiosité est précieuse en soi. Elle nous définit en tant qu’humains. On ne dit pas que la curiosité est importante parce qu’elle va permettre de fonder la prochaine entreprise à un milliard de dollars. Non, elle est précieuse parce que l’homme est, par essence, curieux. Un point c’est tout. On devrait créer des milieux où la curiosité serait encouragée et valorisée pour ce qu’elle est. Si on oublie de produire de nouvelles connaissances, on finira éventuellement par manquer d’idées.
Quelle place occupe l’art dans votre travail?
Mon laboratoire repose essentiellement sur les idées. Et la meilleure façon de générer des idées vraiment inusitées, c’est de réunir des gens et de recueillir une multitude de points de vue différents en leur disant : « Posez des questions! Soyez créatifs! » En rassemblant des artistes, des spécialistes des sciences sociales, des ingénieurs et des scientifiques de toutes les disciplines, la probabilité de pondre des idées déstabilisantes augmente parce qu’on envisage alors une problématique sous des angles inhabituels. Dans mon laboratoire, j’essaie le plus possible de réunir les conditions favorables à ces découvertes fortuites. On se retrouve souvent dans un cul-de-sac, mais lorsqu’on trouve une issue, elle débouche sur un monde de possibilités.
Vous dites être inspiré par la science-fiction. Existe-t-il quelque chose que vous auriez vu récemment dans ce domaine et que vous aimeriez tenter de recréer?
Je repense beaucoup au film La matrice ces jours-ci. La notion de « cyborg » pique ma curiosité. D’un point de vue technique, quiconque se balade avec un téléphone cellulaire peut être vu comme un « cyborg ». Même chose si quelqu’un possède des biocapteurs ou un dispositif électronique sous-cutané. Mais je pense qu’on pourrait aller encore plus loin. Je me demande si un tissu corporel pourrait faire fonctionner un dispositif électronique qui, en retour, permettrait à ce tissu de rester sain. Il s’agirait d’une relation symbiotique. Ce serait très proche de ce qui se passe dans La matrice, où le corps humain alimente des machines qui doivent à leur tour répondre à ses besoins, le nourrir et le garder en vie. Pourrait-on reproduire cette relation en laboratoire à petite échelle pour commencer, puis voir où cela mène? Je ne sais pas si c’est faisable, mais nous en sommes à l’étape de la conception et commençons à faire certaines expériences, à un stade encore très précoce.
Comment envisagez-vous l’avenir?
Je n’aime pas tellement répondre à cette question, parce que j’espère qu’en nous penchant sur ces possibilités étranges et farfelues en biologie, nous allons tomber sur quelque chose de complètement inattendu. Notre expérience avec des pommes en est un parfait exemple. Nous voulions au départ fabriquer la plante carnivore du film La petite boutique des horreurs, mais ce fut un échec lamentable. Cependant, c’est ainsi que nous avons découvert qu’il était possible d’utiliser des végétaux comme biomatériaux, et cela s’est traduit par cette biotechnologie –dont le prix est ridiculement bas – qui permet de résoudre un grand nombre de problèmes qui accompagnent les stratégies actuelles relatives aux biomatériaux. Cela peut toutefois être dérangeant, car les gens peuvent maintenant, en théorie, créer ces matériaux dans leur sous-sol et se réapproprier l’apparence de ces implants. Et cela pourrait aller encore plus loin à l’avenir. Quelqu’un pourrait, par exemple, concevoir son propre corps et créer des organes qui n’existent pas dans la nature, de la même manière que certains se construisent un ordinateur personnalisé. Cette ambigüité m’enchante; j’aime ne pas savoir ce que nous réserve l’avenir et réaliser délibérément des expériences inhabituelles dans le but de produire éventuellement des idées nouvelles qui relèvent, pour l’instant, de l’imaginaire.
En s’intéressant notamment aux effets qu’ont nos hormones (la partie endocrino) sur le cerveau (la partie neuro), Nafissa Ismail met le doigt sur des interactions entre nos organes et nos émotions.
Utiliser un laboratoire qui crée un environnement de vente au détail fictif pour prédire l'impact de la pandémie sur les comportements d'achat et l'avenir de la consommation, voilà un bel exemple de réussite!