Un tournant décisif pour l’innovation au Canada
Il y a vingt ans, le Canada pays était confronté à une question délicate : « Comment rendre la recherche canadienne concurrentielle, voire de pointe, à l’échelle internationale? »
Aujourd’hui, nous devons répondre à une question tout aussi importante et déchirante : « Comment faire en sorte que l’innovation canadienne soit concurrentielle dans le monde? »
Notre pays a relevé avec brio le premier défi. Or, pour résoudre la seconde question, il faudrait tirer des leçons de la vision et de la détermination démontrées pour engager la recherche canadienne sur la bonne voie.
Au Canada, dans les années 1990, la recherche se portait plutôt mal. Les chercheurs travaillaient dans des laboratoires vétustes et n’étaient donc pas en mesure de proposer des solutions aux questions de pointe qui leur auraient permis de devenir des chefs de file dans leur domaine. Bon nombre d’entre eux ont quitté le pays pour aller où les occasions étaient plus abondantes; cette tendance a d’ailleurs semé l’inquiétude parmi les recteurs des universités canadiennes. Par le passé, le Canada n’a pas suffisamment investi dans les installations et l’équipement de recherche, ce qui explique le fossé qui séparait la recherche menée au Canada et dans le reste du monde.
Or, les choses ont changé. Et la création de la Fondation canadienne pour l’innovation en 1997 par le gouvernement du Canada y a largement contribué. C’est à cette époque, en effet, que des responsables de politiques et d’éminents chercheurs se sont réunis pour amorcer un tournant décisif pour la recherche canadienne. Construire des installations de recherche de calibre mondial et les doter d’équipement de pointe constituaient une expérience en soi – une manière d’encourager les chercheurs à se dépasser et à voir plus grand – et ce fut une réussite.
Les résultats ont donné lieu à de grandes transformations. Aujourd’hui, les campus canadiens disposent d’installations de recherche de calibre mondial. Ils attirent des chefs de file internationaux et engendrent des partenariats avantageux avec l’Allemagne, la France, les États-Unis et de nombreux autres pays centrés sur la recherche.
La FCI a réuni quelque 500 laboratoires de calibre mondial dans son Navigateur d’installations de recherche, un répertoire en ligne d’installations qui possèdent l’expertise, les outils de pointe et la volonté de collaborer avec des entreprises afin de les aider à devenir plus concurrentielles. Cela démontre à quel point la recherche canadienne est maintenant bien placée pour aider à réduire l’écart entre l’idée et l’innovation.
Toutefois, deux décennies plus tard, la plupart des résultats de mesure de l’innovation indiqueraient, et ce en dépit du terrain conquis par le pays en matière de recherche, qu’il reste encore beaucoup à faire pour transférer ce savoir du laboratoire au marché.
Il ne suffit pas d’avoir les meilleures idées, les meilleures personnes et les meilleures installations, même si c’est ce que nous nous sommes efforcés de réaliser au cours des dernières décennies. En cette période où s’amorcent l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale et l’élaboration d’un nouveau programme d’innovation, le moment est venu de cibler les lacunes particulières du système d’innovation et de trouver des mécanismes pour les combler.
Quels sont donc les éléments manquants qui propulseraient l’innovation au Canada à la place qui lui revient?
En un sens, la réponse saute aux yeux. Au pays, par exemple, il est difficile de mettre en place des sociétés assez grandes pour être concurrentielles sur la scène mondiale, ce qui fait en sorte que nos entreprises innovantes, dérivées ou de démarrage, sont susceptibles de passer à des intérêts étrangers. Nos entreprises sont devenues de petits pions dans la cour des grands qui, eux, jouent sur des marchés beaucoup plus vastes et concurrentiels.
Comment relever ce défi? En faisant des investissements judicieux et ciblés dans des domaines d’excellence du Canada – soutenir les domaines de recherche qui font du Canada un chef de file a d’ailleurs toujours été un des principes fondamentaux du fonctionnement de la FCI. Nous constatons la sagesse de cette approche en voyant des grappes d’expertise éclore partout au pays – qu’il s’agisse de domaines traditionnels comme la recherche agricole en plein essor dans des établissements comme la University of Saskatchewan; de la concentration d’entreprises de haute technologie dans le corridor qui relie Toronto à Waterloo; de l’expertise bourgeonnante en science du cerveau concentrée autour de Montréal ou de la recherche océanographique menée à Victoria, à Halifax et à St. John’s.
Ces masses critiques d’expertise sont le fondement d’une économie vigoureuse et des carrefours de l’innovation. Plus encore, elles constituent un milieu de formation pour la prochaine génération d’innovateurs et un incubateur de l’esprit d’entreprise.
Afin de poursuivre dans la foulée de ces réussites, tous les acteurs doivent continuer à collaborer pour favoriser une culture de l’innovation au Canada. C’est grâce à cette même stratégie audacieuse et lucide qui a permis de rectifier les perspectives sombres anticipées par la communauté de chercheurs il y a vingt ans que le Canada pourra aujourd’hui augmenter son classement au chapitre de l’innovation.
Cet article d’opinion du président-directeur général de la FCI, Gilles Patry, a paru en 2016 dans le cahier Canada’s Innovation Leaders publié dans les quotidiens The National Post et The Ottawa Citizen, respectivement les 17 et 18 novembre 2016.