Nous ne pouvons pas risquer de perdre une cohorte de jeunes chercheurs à cause de la pandémie
Au printemps, les collèges et les universités du Canada ont accompli une transition aussi rapide que remarquable vers l’enseignement en ligne pour permettre aux étudiants de terminer leur année. Pour assurer la santé et la sécurité des étudiants et des professeurs, plusieurs établissements combinent cet automne les cours en ligne et en personne, dans le respect des règles d’éloignement physique.
Cependant, la question de l’enseignement virtuel est encore plus complexe pour l’apprentissage pratique en laboratoire. Le nombre restreint de laboratoires dans les établissements aura-t-il pour effet de diminuer le nombre de cours pratiques offerts, ou d’exiger leur usage 24 heures sur 24? Cet enjeu, bien que surmontable, aura des répercussions bien au-delà des trimestres compromis par la COVID-19.
Nous risquons de perdre non seulement des étudiants, mais toute une cohorte de jeunes scientifiques. En effet, les chercheurs seront gravement touchés par l’impossibilité d’accéder aux installations de recherche ou de vérifier leurs modèles théoriques – sans compter les laboratoires et l’équipement mobilisés dans le cadre de la pandémie et dont les étudiants sont maintenant privés.
L’efficacité de l’enseignement et de l’apprentissage est primordiale et exige un engagement ferme de toutes les parties concernées. Pour ce qui est des cours en ligne, les professeurs devront s’adapter à la communication virtuelle et les étudiants devront trouver de nouvelles stratégies pour apprendre et collaborer. Les uns et les autres auront besoin d’équipement approprié et d’espaces virtuels désignés, et devront être disposés à repenser les techniques habituelles de partage d’information. Quant aux cours en personne, le nombre d’étudiants sera nécessairement limité, ce qui signifie qu’un même cours devrait être offert à plusieurs reprises. Les établissements, qui composent déjà avec de sérieuses contraintes budgétaires, devront embaucher des professeurs et trouver des locaux supplémentaires.
Les professeurs font de leur mieux pour servir les étudiants, qui eux consacrent leurs efforts à surmonter le défi sur leurs ordinateurs portables. Cependant, il est peut-être temps de penser à l’avenir et à ceux qui ne pourront pas poursuivre leurs études dans le domaine qu’ils ont choisi. Comme beaucoup d’entreprises le font depuis mars, le milieu de l’enseignement devra composer avec une nouvelle normalité cet automne. Pouvons-nous instaurer des changements positifs qui nous permettront d’inclure divers modèles d’apprentissage tout en favorisant l’excellence en recherche? La réponse est oui. Bien qu’elles nécessitent des investissements, les trois propositions suivantes représentent un bon point de départ.
La première consiste à adopter des technologies qui aideront les professeurs et le personnel à offrir des cours en ligne et du matériel de haute qualité. Il est important de favoriser le partage d’idées créatives et de pratiques exemplaires. Les gens qui avaient l’habitude de se rencontrer à la cafétéria ou au détour d’un couloir pour parler de techniques d’enseignement ont maintenant besoin d’espaces pouvant accueillir ces discussions en ligne.
Le domaine de la modélisation et de la simulation a beaucoup évolué au fil des ans. Il est maintenant possible de mener des expériences qui reproduisent celles des installations de recherches, notamment les tunnels aérodynamiques, les salles opératoires et les navettes spatiales. Maintenant que les laboratoires et les installations ne sont plus directement accessibles aux équipes de chercheurs, il serait judicieux d’investir pour que ces espaces soient accessibles en ligne et qu’ils fassent partie intégrante de la formation en recherche pour les étudiants.
Le domaine de la science citoyenne revêt un grand intérêt pour la population. Les recherches sur le terrain étant devenues moins accessibles en raison de la pandémie, les étudiants et les chercheurs devront renforcer les relations avec les scientifiques des régions où se dérouleraient normalement leurs travaux. Un nombre croissant de chercheurs ont déjà entrepris d’établir ce type de relation avec les gens des régions éloignées afin de bénéficier de leurs connaissances locales. La réussite d’un tel projet requiert des moyens de communication efficaces, des réseaux solides et la mise en place de protocoles appropriés.
La création d’une « nouvelle normalité » ne doit pas être un obstacle à la poursuite des travaux actuels et à l’établissement d’objectifs encore plus ambitieux. La technologie et la science citoyenne nous aideront à jeter les bases d’une « meilleure normalité » afin de garder la génération actuelle de chercheurs motivée et offrir de nouvelles occasions de collaboration à des projets de recherche importants qui traceront la voie d’un monde meilleur affranchi des contraintes actuelles.
Cet article est paru à l’origine dans Affaires Universitaires le mardi 6 octobre 2020.