Malgré l’importance de ses ressources naturelles, le Canada doit surtout miser sur sa population comme principale ressource
Les ressources naturelles sont depuis toujours au cœur de la survie et de la croissance du Canada. Nos océans, nos forêts, nos terres agricoles et nos ressources minérales et énergétiques constituent nos assises.
Il n’est donc pas étonnant que le secteur des ressources naturelles domine l’économie canadienne. Les Canadiennes et les Canadiens ont toujours pratiqué la pêche et l’agriculture, récolté le bois et extrait les richesses enfouies sous nos pieds.
Mais tout cela ne suffit plus. Après des décennies d’exploitation soutenue de nos ressources, la viabilité de ces activités inquiète désormais. Conflits mondiaux, pandémies, ralentissements économiques et catastrophes environnementales ont ouvert une nouvelle ère de crises multiples.
Pour survivre et prospérer, le Canada doit revenir à ce qu’il a négligé en raison de l’importance accordée à l’extraction des ressources : sa population, son plus grand atout. Nous devrons nous appuyer non seulement sur l’intelligence et les forces de nos concitoyennes et concitoyens, mais aussi sur l’acquisition de nouvelles connaissances et compétences, et sur des aptitudes en résolution de problèmes et la capacité d’innover.
Voici quelques exemples du talent et de cette capacité d’innover présents chez des Canadiennes et des Canadiens, ainsi que des traces que nous devrions suivre.
En découvrant que l’arsenic s’infiltrait dans les mines du Nord et empoisonnait les plantes, la faune et les communautés à 30 kilomètres des sites miniers, Heather Jamieson a favorisé l’élaboration de stratégies visant à réparer les dommages causés, mais aussi à atténuer les répercussions de futurs développements.
Lorsque Stephen Kokelj décrit les effets de la fonte du pergélisol dans le Nord, il nous rappelle la fragilité de notre habitat. Si nous construisons sur le pergélisol et que les incendies de forêt accélèrent sa dégradation, nous perdrons des écosystèmes entiers.
Des équipes de recherche des universités de Guelph, du Manitoba, de l’Alberta et de la Saskatchewan, entre autres, travaillent avec des chefs de file du secteur agroalimentaire. Ensemble, ils ont fondé 2 500 entreprises innovantes et obtenu, en quelques années, un retour sur investissement multiplié par 200. Leurs travaux portent sur un sujet de plus en plus criant : dans un monde en mutation, la croissance de la population nous oblige à augmenter les rendements agricoles tout en réduisant la quantité d’engrais, en éliminant les pesticides, et en étant en mesure de faire face aux sécheresses et à des fluctuations de température extrêmes.
Le chercheur Matthew Miller a, quant à lui, mis au point un vaporisateur nasal pour administrer des vaccins. Leyla Soleymani a, elle, inventé des revêtements antimicrobiens pour les surfaces, et VIDO, un laboratoire de Saskatoon, offre un exemple de classe mondiale de travaux visant à empêcher la transmission de virus d’une espèce à l’autre. Ces innovations, nées de la pandémie de COVID-19, témoignent de notre ingéniosité et de notre agilité.
Pour être en mesure de doubler notre volume de recherche et de continuer à proposer des innovations révolutionnaires, nous devons nous concentrer davantage sur notre capital humain collectif. Sans toutefois laisser de côté ceux et celles qui ont perdu leurs moyens de subsistance ou qui, comme les personnes immigrantes, sont en train de les établir. Nous devons leur offrir l’accès à l’éducation et à la formation, à un enseignement et à du mentorat exceptionnels ainsi qu’à des équipements et à des installations.
Regardez ce qui se passe lorsque le talent a la possibilité de s’épanouir :
Arrivée au Canada à l’âge de cinq ans, Christina Gold ne parlait pas un mot d’anglais et peinait à l’école. Aujourd’hui, alors que seulement 3 % des 500 premières entreprises mondiales sont dirigées par des femmes, elle a présidé sept grandes sociétés.
Priti Wanjara a dû surmonter de nombreux obstacles en arrivant à Montréal en provenance de Mumbai, car elle ne parlait ni l’anglais ni le français. Aujourd’hui ingénieure accomplie, elle s’efforce de faire profiter de son expérience en enseignant bénévolement à des étudiants et à des étudiantes de l’Université Concordia et du Collège militaire royal du Canada.
Nous devons également garder à l’esprit que l’ensemble de nos talents est plus grand que la somme de ses parties.
Faisant face à de nombreux enjeux mondiaux complexes, nous ne pouvons pas nous permettre d’être isolationnistes. Nous devons collaborer aux échelles régionale et nationale. Nous devons nous souvenir des grandes choses que nous pouvons accomplir, tant au Canada qu’à l’étranger, quand nous travaillons ensemble.
Prenons l’exemple de l’Institut Perimeter et de l’Université de Waterloo, qui accueillent aujourd’hui certains et certaines des plus grands spécialistes en technologies et applications quantiques du monde.
Ou encore à Sudbury. Le nickel est encore une ressource précieuse et la collaboration au fond de la mine de Vale entre le lauréat du prix Nobel de physique Art McDonald et ses collègues offre non seulement des emplois aujourd’hui, mais aussi une place pour le Canada dans l’histoire du monde de demain.
Notre population est notre plus grande ressource. Reconnaître et développer son potentiel offre l’espoir d’un avenir meilleur.
Roseann O’Reilly Runte est présidente-directrice générale de la Fondation canadienne pour l’innovation. Elle est l’autrice de Canadians Who Innovate: The Trailblazers and Ideas that Are Changing the World. Cet article a été publié à l’origine dans le Globe and Mail du 29 avril 2024.