L’innovation : la volonté d’améliorer les choses
Quelle voie le Canada doit-il emprunter pour favoriser un système de recherche et d’innovation robuste? Voilà une des questions de l’heure largement débattu dans de multiples articles de journaux et entre administrateurs. La même question qui est à l’origine de l’élaboration d’un nouveau programme d’innovation canadien et à l’examen du financement fédéral alloué à la science fondamentale.
L’exam des mécanismes de soutien de la recherche et de l’innovation au pays est une chose, mais il faut aussi se pencher sur l’incidence de l’innovation sur la vie de l’ensemble de la population.
En cette ère du savoir, l’innovation fait partie intégrante de l’édification d’une nation et les connaissances qui découlent de la recherche sont aujourd’hui pratiquement infinies. On peut donc affirmer que la recherche et l’innovation sont mues par une volonté d’améliorer les choses.
C’est cette vision audacieuse qui a inspiré la création de la Fondation canadienne pour l’innovation en 1997. À l’approche de notre vingtième anniversaire, nous prenons un moment pour réfléchir aux réalisations accomplies après deux décennies consacrées au renforcement de la capacité de la recherche canadienne.
La quête innée qui nous pousse à comprendre notre monde et à le rendre meilleur nous transforme parfois à notre insu – que cela concerne la santé, l’économie ou la planète, voire la manière de concevoir le passé et d’envisager l’avenir.
Cela m’amène à songer, par exemple, à Albert Leyenhorst et à son fils, Logan, deuxième et troisième générations d’une famille d’exploitants d’une ferme laitière et d’une culture commerciale à Dalmeny, en Saskatchewan. Non loin de là, à North Battleford, le Canadian Feed Research Centre de la University of Saskatchewan met au point de nouvelles méthodes de traitement des sous-produits céréaliers pour fabriquer des aliments supérieurs favorisant une plus grande production laitière, au profit des exploitants de fermes céréalières et des éleveurs bovins. Père et fils ont ainsi pu mettre à l’essai ces matières premières sur leur ferme et bénéficier des dernières avancées réalisées dans leur secteur.
Je pense aussi à Samantha Knapp, mère de six enfants à Kingston, en Ontario, dont deux souffrent d’un trouble génétique rare qui provoque des crises épileptiques graves chez les nouveau-nés et les nourrissons. Lorsque l’ainée de la famille, Asia, alors bébé, a commencé à avoir des crises, on savait très peu de choses sur cette maladie. Expérience effrayante et solitaire. Avec l’aide de nombreux médecins, dont Kym Boycott de l’Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario à Ottawa, la famille Knapp a pu recevoir un diagnostic pour Asia et sa petite sœur Sienna qui présentait les mêmes symptômes. En sachant quelle était l’origine de la maladie de ses enfants, Samantha Knapp a pu non seulement prendre en charge la maladie, mais aussi trouver un groupe de soutien auprès de parents qui traversent la même épreuve.
Adopté il y a de cela quelques années, notre nouveau slogan « La recherche au service des collectivités » ne pouvait être mieux choisi. Après tout, la collectivité englobe de nombreux aspects : l’espace physique qui l’entoure, les routes et les voies d’intercommunication qui la relient aux autres, les croyances et les politiques qui la guident et la volonté de tendre la main, d’obtenir le soutien d’autrui, de comprendre ses voisins, de leur venir en aide.
En fin de compte, la recherche est un moyen de faire tous ces gestes, mais en mieux. En sciences sociales et humaines, on se penche sur ce qui fait de nous des êtres humains, ce qui nous pousse à agir, afin d’en arriver à une meilleure connaissance de soi. En sciences physiques, on s'interroge sur les lois de la nature, cherchant à les mettre à profit pour le bien commun.
Il y a vingt ans, la FCI constituait en soi une expérience, un moyen d’inciter les chercheurs à se dépasser et à voir plus grand. C’est aussi à cette époque que les responsables politiques et du milieu de la recherche se sont réunis pour amorcer un tournant décisif au chapitre de la recherche menée au Canada en construisant des installations de calibre mondial et en les dotant d’un équipement en pointe de la technologie.
Les résultats ont donné lieu à de grandes transformations. En effet, l’innovation a changé notre monde de manière tangible et de multiples façons, et s’est traduite par des retombées découlant des milliers de projets de recherche financés par la FCI depuis sa création.
Or, cela n’est pas le fruit du hasard. Les investissements judicieux qui soutiennent les domaines d’excellence du Canada constituent une approche qui a fait ses preuves. Des grappes d’expertise éclosent partout au pays – comme le secteur de l’optique et de la photonique en plein essor à Québec, ou le dynamique secteur de la recherche marine à Halifax, à Victoria et à St. John’s. Ces activités constituent le fondement d’une économie locale vigoureuse et d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, dont les ramifications produisent des effets profonds sur les collectivités.
Pour continuer dans la foulée de ces réussites, tous les acteurs doivent collaborer afin de favoriser une culture de l’innovation au Canada. Après tout, cette volonté innée d’améliorer les choses est plus qu’une simple impulsion – c’est le moteur de la prospérité économique et sociale.
Gilles Patry est président-directeur général de la Fondation canadienne pour l’innovation, la seule organisation qui finance l’infrastructure de recherche de pointe au pays. Cet article d’opinion a été publié à l’origine dans le journal The Hill Times le 3 octobre 2016.