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Les carrefours d’innovation régionaux : un potentiel inexploité pour le Canada

Roseann O’Reilly Runte, présidente-directrice générale de la Fondation canadienne pour l’innovation, partage son opinion sur les carrefours d’innovation régionaux

Le Canada est un pays fort doté d’une population diversifiée répartie dans un large éventail de régions. Qu’elles soient liées sur le plan géographique, économique ou culturel, urbaines ou rurales, petites ou grandes, ces régions jouent chacune un rôle essentiel dans l’identité, l’économie et le bien-être de nos collectivités.

Au fil des ans, ce pays a connu de nombreuses histoires de réussite en matière d’innovation. Il suffit de penser à la manière dont Montréal et Toronto se sont fait une place dans le monde de la recherche, grâce à la mise au point de technologies d’intelligence artificielle et de médecine de précision ; ou bien encore, il suffit de se représenter comment Vancouver est devenue une plaque tournante des avancées de pointe en génomique. Les exemples abondent partout au pays. Chaque exemple peut, en partie, être attribué aux investissements soutenus dans la recherche et l’infrastructure dont les chercheurs ont besoin pour faire progresser leurs travaux.

Nombre de ces succès sont survenus dans les métropoles. Ce qui est logique puisque quelque 35 pour cent de la population canadienne est répartie entre Toronto, Montréal et Vancouver, et que les établissements de ces villes ont obtenu une part importante de l’investissement dans la recherche au cours des dernières décennies.

Nous avons aussi vu de quelle manière Waterloo, auparavant territoire agricole, a réussi, en collaboration avec la collectivité, à devenir une région reconnue sur le plan international dans le développement de produits de haute technologie. Certains l’appellent même aujourd’hui « la vallée quantique ».

Le Canada compte également 35 collectivités de 100 000 habitants et de nombreuses autres de plus petite taille. Il faut se demander ce que nous pouvons faire pour aider ces régions, et leurs établissements, à connaître un succès similaire à celui des plus grands centres du pays. 

Les pays du monde entier investissent massivement dans la recherche régionale. Au Royaume-Uni, par exemple, les investissements en recherche, stratégiquement ciblés pour tirer parti des forces d’une région, ont pour but de rehausser le statut national de chacune d’entre elles. Cette mesure a mené à la création d’un carrefour d’innovation à Belfast, qui se focalise sur l’écologisation du transport maritime, et d’un autre à Newcastle, qui se penche sur le vieillissement en santé et l’autonomie. De plus, le Royaume-Uni vient d’annoncer un nouveau concours qui s’appuiera sur la réussite de cette mesure dans le but de satisfaire les normes internationales. En France, nationale de la recherche a ciblé trois régions qui tireront profit d’investissements spéciaux du même genre en vue de favoriser la croissance.

Il faut donc renforcer cette capacité régionale au Canada, et ce, dès aujourd’hui. Trop souvent, les jeunes doivent quitter leur collectivité pour trouver un emploi. Appuyer la recherche innovante qui sous-tend le développement économique régional constitue l’un des moyens de renverser la vapeur.

À l’heure actuelle, lorsqu’une entreprise existante ou en démarrage entre en contact avec un petit établissement, on lui verse habituellement des fonds pour faire l’acquisition d’une seule pièce d’équipement destinée à réaliser des essais précis. Ce qu’il lui faudrait toutefois, c’est le genre de plateformes fondamentales, celles que les agents de développement économique peuvent signaler aux entreprises comme un outil ou un service attrayant qui est à leur disposition. Parallèlement, pour que ces plateformes atteignent leurs objectifs, elles doivent être en phase avec les plans de développement stratégiques locaux et régionaux. 

C’est le cas de Trois-Rivières, au Québec, où, de concert avec l’université et le cégep de la région, la collectivité et le gouvernement municipal se sont réunis pour mettre sur pied, avec le soutien du gouvernement fédéral par l’entremise de la Fondation canadienne pour l’innovation, le Centre de métallurgie du Québec. Offrant des services à plus de 200 entreprises annuellement, ce carrefour d’innovation fait affluer dans la région des entreprises du monde entier, créant des emplois pour les diplômés et attirant des étudiants au doctorat et des stagiaires postdoctoraux de grandes universités.  

Les établissements de recherche régionaux ne peuvent pas espérer tout faire sur-le-champ. Ils doivent se concentrer sur le développement stratégique en partenariat avec l’ensemble de leur région. Ainsi, pour qu’il soit couronné de succès, le développement doit être soutenu par trois piliers : les entreprises, les gouvernements et les établissements de recherche, tous tendus vers un même but. Ces établissements de recherche doivent concevoir les plateformes qui leur permettront de jouer un rôle plus efficace dans le développement économique régional. 

Les laboratoires dotés des outils essentiels pour favoriser ce type de travaux constituent une ruche d’activités et d’échange d’idées où le milieu universitaire et les experts de l’industrie travaillent côte à côte, découvrent des techniques et des procédés nouveaux, alors que les étudiants acquièrent les compétences et les connaissances qui feront d’eux de précieux employés aux yeux des entreprises locales.

Si le Canada investissait dès aujourd’hui dans l’infrastructure de recherche de ses régions, cela aiderait les collectivités à demeurer fortes et dynamiques, à créer de l’emploi pour les jeunes dans leur milieu et à trouver des solutions au développement économique qui constitue son tissu social.

Cet article est paru à l’origine dans The Hill Times le mercredi 12 février 2020.